Rappel chronologique. Jeudi 29 septembre 2016, vers 20h les deux journalistes d’EM Said Amidan et Brahim Laajail, étudiants à
Agadir, sont partis en covoiturage avec une connaissance, d’El Aaiun au Sahara Occidental en direction
d’Agadir au Maroc. Said Amidan est né le 02/05/1988 à El Aaiun, Brahim Laajail
né le 02/05/1986, à El Aaiun aussi.
Vendredi 30 sept 2016 à 10h30, contrôle d’identité au
barrage de Guelmim sud (Maroc), alors
que Said Amidan était au volant. Seul
Said avait ses documents qu’il a présentés.
Après contact de l’agent avec le commissariat central,
les documents d’identités n’ont pas été rendus. Après 30 minutes d’attente dehors,
alors qu’un véhicule de la police arrivait, le propriétaire qui les amené est
parti rapidement, laissant les 2 journalistes sur place. EM n’arrive pas à
contacter cet homme pour recueillir ses explications.
Said Amidan et Brahim Laajail ont été conduit au 1er
arrondissement de la police de Guelmim, où pendant 3h ils ont subi des mauvais
traitements et insultes à caractère
raciales de la part du commissaire. Menotté trop serrés, ils ont reçu des coups
de poing dans le ventre, des gifles, des insultes. Ils ont été mis nu pour une
fouille au corps. Said avait dans sa poche un médicament contre l'insomnie, le lorazepam
cinfa 1 mg dont il restait 12 comprimés. Cela, comme ses deux téléphones, son
permis de conduire, sa carte d’identité lui ont été confisqués, de même que le
téléphone de Brahim. Tous ces effets personnels n’ont pas été rendus à leurs
propriétaires après leur remise en liberté, et sont gardés à la préfecture de
police.
A 14h30, les deux journalistes ont été conduits au
commissariat central, où le préfet et 4 officiers les attendaient pour
l’interrogatoire. Ils étaient alors menottés.
Pendant 2h, le préfet a insulté et frappé Said et Brahim.
A 3 reprises il a usé d’une paire de menotte pour cingler les journalistes. Parmi
les propos tenus : « vous les Sahraouis
séparatistes, vous êtes des insectes » ;
« Ici, vous êtes dans un endroit sans
merci, impitoyable » ; « Ton
frère Chaikh a tenté d’exploser le
convoyeur de phosphate et ta sœur Rabab, cette (insultes sexistes non
reproduites) nous dérange… »
Le préfet a ensuite ordonné au chef de la police judiciaire de « bien remplir le dossier ».
Les deux journalistes ont été conduits dans 2 cellules
séparées, chacun avec 3 marocains gardés à vue pour des motifs de droit commun,
avant d’être conduit dans 2 bureaux séparés pour un nouvel interrogatoire avec
des policiers.
Pendant 1h, ils ont du répondre aux questions
« habituelles » dans le cas d’arrestation de Sahraouis
militants : nom, généalogie, identité et nombre de membres dans la
famille, tribu, présence de familles aux
camps de réfugiés ou pas, visite des camps ou non, appartenance à un parti
politique marocain, date d’engagement avec le Polisario...
Les agents ont aussi fait de la provocation tribaliste,
la technique marocaine pour séparer les Sahraouis, argumentant qu’ils étaient
amazighs et non arabes. Ce qui a donné lieu pour Said à un exposé argumenté sur
les amazighs dont il est spécialiste, conduisant le policier à mettre fin à
l’interrogatoire.
Said comme Brahim ont pris le parti de répondre
précisément pour informer les agents de leurs lacunes et erreurs.
A 20h le 30 et pendant 1h ensuite, Said et Brahim ont été
interrogé par 2 agents de la DGST, dont Boukricha. Sous la menace, les
journalistes ont été contraints de révéler les codes pin de leurs téléphones,
ainsi que les mots de passe d’accès à leur Gmail et compte Facebook. Les
données, communications et images personnelles ont été copiées et étudiées.
Outre les provocations du genre « vous voulez le
Sahara, voila donc le Sahara » affirmation criée en levant le majeur, les
agents DGST les ont interrogés sur la nature de leurs relations avec les
observateurs, journalistes et autres visiteurs étrangers venus dans les territoires
occupés. Notamment sur dernière visite du deux espagnols Julia Brieto
Romero y Rubén Campos, refoulés vers le
Maroc.
Les agents de la DGST ont interrogés les deux journalistes
sur leur travaux dans l’équipe media, et la structure partenariale de
l’organisation, mais aussi sur leurs activités à l’université.
Boukricha et son collègue ont affirmé que le Maroc donnait
« beaucoup choses pour les Sahraouis, la farine, le sucre, l’huile à bon
prix, mais les Sahraouis sont des salopards » .
De retour dans la cellule de garde à vue, Said et Brahim
n’ont pas été autorisés à recevoir la nourriture et les boissons que
respectivement une cousine et un frère leur avaient apportées.
Un policier avait pour consigne que rien ne soit remis
aux 2 Sahraouis, il a pris les aliments et ne les a pas remis à leurs
destinataires. Pendant les 48 heures en garde a vue, les deux journalistes
n’ont avalé qu’un demis litre chacun et un pain, donné par la police. Ils ont
passé la nuit sans matelas ni couverture. Les prisonniers marocains pouvaient
eux recevoir la nourriture apportée par leurs familles.
Said et Brahim ont passé la journée du 1er oct
dans la cellule de garde à vue.
Le 2 oct, à partir de 11h, ils ont attendu leur tour de
passer devant le procureur du roi. Ils sont passés les derniers, soit vers 16h.
Le rapport du commissaire du commissariat central
comportait les chefs d’accusations
suivants :
Dossier n° 2016/2102/1031
Pour Said
Possession et consommation de drogue. Insulte à police judicaire
par fausse déclaration d’un crime
Pour Brahim
Non présentation de document d’identité, Insulte à police
judicaire par fausse déclaration d’un
crime
Les deux ont refusé de signer le rapport de la police.
Suite à l’audience, ils ont été relâchés après avoir reçu une convocation à une
nouvelle audience fixée le 18 octobre devant la cour de Guelmim.
Équipe Média, El Aaiun, Sahara Occidental occupé
Le 3
octobre 2016