jeudi 10 décembre 2015

La Cour de Justice de l'UE annule l'accord agricole EU-Maroc : il n'exclut pas le Sahara Occidental

http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=172870&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first%E2%88%82=1&cid=164110
 
LE TRIBUNAL (huitième chambre) déclare et arrête :
1)      La décision 2012/497/UE du Conseil, du 8 mars 2012, concernant la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles nos 1, 2 et 3 et de leurs annexes et aux modifications de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part, est annulée en ce qu’elle approuve l’application dudit accord au Sahara occidental.
2)      Le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne supporteront chacun leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario). 

Intégralité du jugement cidessous.

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)
10 décembre 2015 (*)
« Relations extérieures – Accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union et le Maroc – Libéralisation réciproque en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche – Application de l’accord au Sahara occidental – Front Polisario – Recours en annulation – Capacité à agir – Affectation directe et individuelle – Recevabilité – Conformité avec le droit international – Obligation de motivation – Droits de la défense »
Dans l’affaire T‑512/12,
Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario), représenté initialement par Mes C.-E. Hafiz et G. Devers, puis par Me Devers, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Kyriakopoulou, M. Á. de Elera-San Miguel Hurtado, Mmes A. Westerhof Löfflerová et N. Rouam, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par
Commission européenne, représentée initialement par MM. F. Castillo de la Torre, E. Paasivirta et D. Stefanov, puis par MM. Castillo de la Torre et Paasivirta, en qualité d’agents,
partie intervenante,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2012/497/UE du Conseil, du 8 mars 2012, concernant la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles nos 1, 2 et 3 et de leurs annexes et aux modifications de l’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO L 241, p. 2),
LE TRIBUNAL (huitième chambre),
composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,
greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juin 2015,
rend le présent
Arrêt
 Antécédents du litige
 Sur le statut international du Sahara occidental
1        Le Sahara occidental est un territoire du nord-ouest de l’Afrique, bordé par le Maroc au nord, l’Algérie au nord-est, la Mauritanie à l’est et au sud, tandis que sa côte ouest donne sur l’Atlantique. Il a été colonisé par le Royaume d’Espagne à la suite de la conférence de Berlin (Allemagne) de 1884 et, depuis la seconde guerre mondiale, il a constitué une province espagnole. À la suite de son indépendance en 1956, le Royaume du Maroc a revendiqué la « libération » du Sahara occidental, considérant que ce territoire lui appartenait.
2        Le 14 décembre 1960, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté la résolution 1514 (XV) sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.
3        En 1963, à la suite d’une transmission de renseignements par le Royaume d’Espagne en application de l’article 73, sous e), de la charte des Nations unies, l’ONU a inscrit le Sahara occidental sur sa liste des territoires non autonomes. Il y figure toujours.
4        Le 20 décembre 1966, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la résolution 2229 (XXI) sur la question de l’Ifni et du Sahara espagnol, réaffirmant le « droit inaliénable d[u] peupl[e] [...] du Sahara espagnol à l’autodétermination ». Elle a demandé au Royaume d’Espagne, en tant que puissance administrative, d’« arrêter le plus tôt possible, en conformité avec les aspirations de la population autochtone du Sahara espagnol et en consultation avec les gouvernements marocain et mauritanien et toute autre partie intéressée, les modalités de l’organisation d’un référendum qui sera[it] tenu sous les auspices de l’[ONU] afin de permettre à la population autochtone du territoire d’exercer librement son droit à l’autodétermination ».
5        Le requérant, le Front populaire pour la libération de la saguia-el-hamra et du rio de oro (Front Polisario), a été créé le 10 mai 1973. Aux termes de l’article 1er de ses statuts, établis lors de son treizième congrès en décembre 2011, il est « un mouvement de libération nationale, fruit de la longue résistance sahraouie contre les diverses formes d’occupation étrangère ».
6        Le 20 août 1974, le Royaume d’Espagne a informé l’ONU qu’il se proposait d’organiser, sous les auspices de cette dernière, un référendum au Sahara occidental.
7        Par sa résolution 3292 (XXIX) sur la question du Sahara espagnol, adoptée le 13 décembre 1974, l’Assemblée générale de l’ONU a décidé de demander à la Cour internationale de justice un avis consultatif portant sur la question de savoir si le Sahara occidental (Rio de Oro et Sakiet el Hamra) était, au moment de sa colonisation par le Royaume d’Espagne, un territoire sans maître (terra nullius). Dans l’hypothèse où la réponse à cette première question serait négative, il a également été demandé à la Cour internationale de justice de se prononcer sur la question des liens juridiques du Sahara occidental avec le Royaume du Maroc et l’ensemble mauritanien. En outre, l’Assemblée générale de l’ONU a invité le Royaume d’Espagne, qu’elle a qualifié de puissance administrative, à surseoir au référendum qu’elle envisageait d’organiser au Sahara occidental, tant qu’elle ne se serait pas prononcée sur la politique à suivre pour accélérer le processus de décolonisation du territoire. Elle a également prié le comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de sa résolution mentionnée au point 2 ci‑dessus « de suivre la situation sur le territoire, y compris l’envoi d’une mission de visite dans le territoire ».
8        Le 16 octobre 1975, la Cour internationale de justice a rendu l’avis consultatif qui lui avait été demandé (Sahara occidental, avis consultatif, CIJ Recueil 1975, p. 12). Selon cet avis, le Sahara occidental (Rio de Oro et Sakiet el Hamra) n’était pas un territoire sans maître (terra nullius) au moment de la colonisation par le Royaume d’Espagne. La Cour internationale de justice a également relevé dans son avis que le Sahara occidental avait, avec le Royaume du Maroc et avec l’ensemble mauritanien, des liens juridiques, mais que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissaient l’existence d’aucun lien de souveraineté entre le Sahara occidental, d’une part, et le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien, d’autre part. Elle a ainsi affirmé, au point 162 de son avis, qu’elle n’avait pas constaté l’existence de liens juridiques de nature à modifier l’application de la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale de l’ONU, du 14 décembre 1960, sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (voir point 2 ci-dessus) quant à la décolonisation du Sahara occidental et, en particulier, l’application du principe d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire.
9        Au cours de l’automne 1975, la situation au Sahara occidental s’est détériorée. Dans un discours prononcé le jour même de la publication de l’avis susmentionné de la Cour internationale de justice, le roi du Maroc, considérant que « tout le monde » avait reconnu que le Sahara occidental appartenait au Maroc et qu’il ne restait aux Marocains qu’à « occuper [leur] territoire », a appelé à l’organisation d’une « marche pacifique » vers le Sahara occidental, avec la participation de 350 000 personnes.
10      Le Conseil de sécurité de l’ONU (ci-après le « Conseil de sécurité ») a fait appel aux parties concernées et intéressées afin qu’elles fassent preuve de retenue et de modération et a exprimé sa préoccupation à l’égard de la situation grave dans la région par trois résolutions sur le Sahara occidental, à savoir les résolutions 377 (1975), du 22 octobre 1975, 379 (1975), du 2 novembre 1975, et 380 (1975), du 6 novembre 1975. Dans la dernière de ces résolutions, il a déploré l’exécution de la marche annoncée par le roi du Maroc et a demandé au Royaume du Maroc le retrait immédiat du territoire du Sahara occidental de tous les participants à ladite marche.
11      Le 14 novembre 1975, une déclaration de principe sur le Sahara occidental (accords de Madrid) a été signée à Madrid (Espagne) par le Royaume d’Espagne, le Royaume du Maroc et la République islamique de Mauritanie. Dans cette déclaration, le Royaume d’Espagne a réitéré sa résolution de décoloniser le Sahara occidental. En outre, il a été convenu que les pouvoirs et responsabilités du Royaume d’Espagne, en tant que puissance administrative du Sahara occidental, seraient transférés à une administration tripartite temporaire.
12      Le 26 février 1976, le Royaume d’Espagne a informé le Secrétaire général de l’ONU que, à compter de cette date, il mettait fin à sa présence dans le territoire du Sahara occidental et qu’il se considérait désormais déchargé de toute responsabilité de caractère international relative à son administration. Entretemps, un conflit armé entre le Royaume du Maroc, la République islamique de Mauritanie et le Front Polisario avait éclaté au Sahara occidental.
13      Le 14 avril 1976, le Royaume du Maroc et la République islamique de Mauritanie ont signé une convention relative au tracé de leur frontière, aux termes de laquelle ils se partageaient le territoire du Sahara occidental. Toutefois, en application d’un accord de paix conclu en août 1979 entre elle et le Front Polisario, la République islamique de Mauritanie s’est retirée du territoire du Sahara occidental. À la suite de ce retrait, le Maroc a étendu son occupation au territoire évacué par la Mauritanie.
14      Dans sa résolution 34/37, du 21 novembre 1979, sur la question du Sahara occidental, l’Assemblée générale de l’ONU a réaffirmé « le droit inaliénable du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination et à l’indépendance » et s’est félicitée de l’accord de paix conclu entre la République islamique de Mauritanie et le Front Polisario (point 13 ci‑dessus). Elle a en outre vivement déploré « l’aggravation de la situation découlant de la persistance de l’occupation du Sahara occidental par le Maroc et de l’extension de cette occupation au territoire récemment évacué par la Mauritanie ». Elle a demandé au Royaume du Maroc de s’engager lui aussi dans la dynamique de la paix et, à cet effet, elle a recommandé que le Front Polisario, « représentant du peuple du Sahara occidental, participe pleinement à toute recherche d’une solution politique juste, durable et définitive de la question du Sahara occidental ».
15      Le conflit armé s’est poursuivi entre le Front Polisario et le Royaume du Maroc. Toutefois, le 30 août 1988, les deux parties ont en principe accepté des propositions de règlement avancées, notamment, par le Secrétaire général de l’ONU. Ce plan reposait sur un cessez-le-feu entre les parties en conflit et prévoyait une période transitoire qui devait permettre l’organisation d’un référendum d’autodétermination sous le contrôle de l’ONU. Par sa résolution 690 (1991), du 29 avril 1991, sur la situation concernant le Sahara occidental, le Conseil de sécurité a établi sous son autorité une mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Après le déploiement de la MINURSO, le cessez-le-feu conclu entre le Royaume du Maroc et le Front Polisario a globalement été respecté, mais le référendum n’a pas encore été organisé, bien que les efforts en ce sens et les pourparlers entre les deux parties intéressées continuent.
16      Actuellement, la plus grande partie du territoire du Sahara occidental est contrôlée par le Royaume du Maroc, alors que le Front Polisario contrôle une portion de moindre taille et très peu peuplée, à l’est du territoire. Le territoire contrôlé par le Front Polisario est séparé du territoire contrôlé par le Royaume du Maroc par un mur de sable construit par ce dernier et surveillé par l’armée marocaine. Un nombre important des réfugiés originaires du Sahara occidental vivent dans des camps administrés par le Front Polisario, situés sur le territoire algérien, près du Sahara occidental.
 Sur la décision attaquée et ses antécédents
17      L’accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (JO 2000, L 70, p. 2, ci‑après l’« accord d’association avec le Maroc ») a été conclu à Bruxelles le 26 février 1996.
18      En vertu de son article 1er, il établit une association entre, d’une part, la Communauté européenne et la Communauté européenne du charbon et de l’acier (désignées ensemble dans l’accord d’association avec le Maroc comme étant la « Communauté ») ainsi que leurs États membres et, d’autre part, le Royaume du Maroc. L’accord d’association avec le Maroc est subdivisé en huit titres relatifs, respectivement, à la libre circulation des marchandises, au droit d’établissement et aux services, aux « [p]aiements, [aux] capitaux, [à la] concurrence et [aux] autres dispositions économiques », à la coopération économique, à la coopération sociale et culturelle, à la coopération financière et, enfin, aux dispositions institutionnelles générales et finales. L’accord d’association avec le Maroc comporte également sept annexes dont les six premières énumèrent les produits visés par certaines dispositions de ses articles 10, 11 et 12 (qui figurent tous sous le titre afférent à la libre circulation des marchandises), alors que la septième est relative à la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale. En outre, sont annexés à l’accord d’association avec le Maroc cinq protocoles, relatifs, respectivement, au régime applicable à l’importation dans la Communauté des produits agricoles originaires du Maroc, au régime applicable à l’importation dans la Communauté des produits de la pêche originaires du Maroc, au régime applicable à l’importation au Maroc des produits agricoles originaires de la Communauté, à la définition de la notion de « produits originaires » et aux méthodes de coopération administrative et, enfin, à l’assistance mutuelle en matière douanière entre les autorités administratives. Les protocoles nos 1, 4 et 5 comportent leurs propres annexes, qui, dans le cas du protocole n° 4 relatif à la définition de la notion de « produits originaires », sont très volumineuses.
19      L’accord d’association avec le Maroc, les protocoles qu’il comporte en tant qu’annexes ainsi que les déclarations et échanges de lettres annexés à l’acte final ont été approuvés au nom de la Communauté européenne et de la Communauté européenne du charbon et de l’acier par la décision 2000/204/CE, CECA du Conseil et de la Commission, du 24 janvier 2000, relative à la conclusion de l’accord d’association avec le Maroc (JO L 70, p. 1).
20      En vertu de la décision 2012/497/UE du Conseil, du 8 mars 2012, concernant la conclusion de l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés, de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles nos 1, 2 et 3 et de leurs annexes et aux modifications de l’accord d’association avec le Maroc (JO L 241, p. 2, ci‑après la « décision attaquée »), le Conseil de l’Union européenne a approuvé, au nom de l’Union européenne, l’accord sous forme d’échange de lettres entre l’Union et le Royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation réciproques, au remplacement des protocoles nos 1 à 3 et de leurs annexes et aux modifications de l’accord d’association avec le Maroc.
21      Le texte de l’accord approuvé par la décision attaquée, qui a été publié au Journal officiel de l’Union européenne, supprime l’article 10 de l’accord d’association avec le Maroc, qui fait partie de son titre II, relatif à la libre circulation des marchandises, et apporte des modifications aux articles 7, 15, 17 et 18 du même titre ainsi qu’à l’intitulé du chapitre II qui figure également sous ce titre. En outre, l’accord approuvé par la décision attaquée remplace le texte des protocoles nos 1 à 3 de l’accord d’association avec le Maroc.
 Procédure et conclusions des parties

vendredi 16 octobre 2015

Rapport de l'Examen périodique du Maroc, Comité des droits économiques, sociaux et culturels

E/C.12/MAR/CO/4  Version avancée non éditée
Distr. Générale 9 octobre 2015 Original: français

         Observations finales concernant le quatrième rapport périodique du Maroc*
*Adoptées par le Comité à sa cinquante-sixième session (21 septembre – 9 octobre 2015)

1.            Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le quatrième rapport périodique du Maroc sur l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/MAR/4) à ses 64e et 65e séances (E/C.12/2015/SR.64 et SR.65), tenues les 30 septembre et 1er octobre 2015, et a adopté, à sa 75e séance, tenue le 8 octobre 2015, les observations finales ci-après.
A.            Introduction
2.            Le Comité accueille avec satisfaction la soumission du quatrième rapport périodique du Maroc, les réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (E/C.12/MAR/Q/4/Add.1) et le dialogue constructif avec une large délégation interministérielle de haut niveau. Le Comité se félicite également des réponses fournies par la délégation aux questions posées lors du dialogue.
B.            Aspects positifs
3.            Le Comité note avec intérêt la ratification par l’État partie des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants:
a)            La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en mai 2013;
b)            La Convention relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif, en avril 2009;
c)            Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en novembre 2014.
4.            Le Comité accueille avec satisfaction l'adoption des plusieurs mesures législatives, administratives et institutionnelles facilitant la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels par la population, notamment:
a)            L’adoption d'une nouvelle Constitution en 2011;
b)            L’établissement d’un budget sensible à la dimension genre en 2007;
c)            La mise sur pied de plusieurs institutions dont le Conseil Economique, Social et Environnemental, le Conseil National des Droits de l’Homme, l’Institution du Médiateur le Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche scientifique, l’Instance Centrale de Prévention de la Corruption et la Délégation Interministérielle aux Droits de l’Homme.
C.            Principaux sujets de préoccupation et recommandations
            Autodétermination et ressources naturelles
5.            Tout en prenant note de « l’initiative marocaine pour l’autonomie élargie des populations », le Comité réitère sa préoccupation relative à l’absence de solution à ce jour concernant le droit à l’autodétermination du territoire non autonome du Sahara occidental. Le Comité demeure également préoccupé par la situation précaire au retour des réfugiés Sahraouis, déplacés suite au conflit du Sahara occidental, en particulier les femmes et les enfants. Il s'inquiète aussi du fait que l'implication des Sahraouis à l’utilisation et à l’exploitation des ressources n’a pas toujours été respecté (arts. 1 et 25).
6.            Le Comité recommande à l’État partie :
a)            De redoubler d’efforts, sous l'égide des Nations Unies, pour trouver une solution à la question du droit à l’autodétermination du Sahara occidental comme prescrit à l´article 1 du Pacte qui reconnait le droit des peuples à déterminer librement leur statut politique et à assurer librement leur développement économique, social et culturel. Le Comité rappelle que les États parties au Pacte dans les territoires non autonomes sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies;
b)            De prendre des mesures pour respecter les droits des réfugiés Sahraouis à leur retour.  Il lui recommande également de garantir le respect du principe de consentement préalable, libre et en connaissance de cause des Sahraouis afin qu´ils puissent exercer leur droit  à profiter et à user pleinement et librement de leurs richesses et ressources naturelles, conformément à l´article 25 du Pacte.
            Mur de sable (Berm)
7.            Tout en notant le souci sécuritaire évoqué par l’État partie, le Comité est profondément préoccupé que le mur de sable,  fortifié des mines antipersonnel, construit par l’État partie entre la partie du territoire du Sahara occidental contrôlé par le Maroc et le reste du territoire, empêche les Sahraouis de jouir pleinement de leurs droits consacrés dans le Pacte.
8.            Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures adéquates pour permettre aux Sahraouis d’accéder à leurs terres et ressources naturelles et de se réunir avec leurs familles. Il lui recommande d’accélérer son programme de déminage du mur de sable. Le Comité demande à l’État partie de fournir des informations détaillées sur la jouissance par les Sahraouis de tous les droits consacrés par le Pacte dans son prochain rapport périodique.
            Application directe du Pacte
9.            Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné d’informations détaillées sur des cas dans lesquels les dispositions du Pacte ont été appliquées par les tribunaux nationaux, bien que la Constitution de 2011 reconnaisse la primauté des instruments internationaux ratifiés par le Maroc sur les lois internes (art. 2, para. 1).
10.            Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour donner effet au Pacte dans l’ordre juridique interne et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations relatives aux décisions judiciaires ou administratives prises dans ce sens. Il encourage l’État partie à mener des campagnes de sensibilisation auprès des juges, des avocats et de la population en général sur les dispositions du Pacte et sur sa primauté sur les lois internes permettant son application directe. Le Comité attire l’attention de l’État partie sur son Observation générale no. 9 (1998) concernant l’application du Pacte au niveau national.
            Corruption
11.            Le Comité est préoccupé par l’étendue de la corruption dans l’État partie, qui subsiste  en dépit des mesures prises par celui-ci. Le Comité regrette l’absence d’information concernant la prise en compte ou non des commentaires des organisations de la société civile sur le projet de loi 113.12 relative à l’instance de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption. Le Comité prend note de nombreux renseignements fournis sur la lutte contre la corruption, y compris concernant les personnes condamnées pour corruption, suite à la dénonciation des citoyens grâce à la ligne verte établie par le Gouvernement. Toutefois, le Comité regrette l’absence d’information détaillée concernant la protection légale des dénonciateurs, des témoins et la compensation des victimes. Il regrette aussi l’absence d’information sur  l’inclusion ou non dans les rapports annuels que doit présenter cette instance devant le Parlement de la description  des cas de corruption portés à sa connaissance (art. 2, para. 1).
12.            Le Comité recommande à l’État partie :
a)            De redoubler d’efforts pour lutter efficacement contre la corruption et garantir la transparence dans la conduite des affaires publiques, notamment en appliquant la loi 113.12 et en tenant compte des observations des organisations de la société civile;
b)            De veiller à la protection des dénonciateurs et des témoins en garantissant si nécessaire leur anonymat et en les protégeant contre toute forme de représailles ainsi que de fournir une compensation aux victimes;
c)            D’encourager l’instance de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption à faire figurer dans ses rapports annuels une description des cas de corruption traités par elle pour dissuader la commission de tels actes et renforcer l’application effective de la loi;
d)            De mener des campagnes de sensibilisation auprès des responsables politiques, des magistrats, des parlementaires et des fonctionnaires sur la nécessité d'appliquer strictement la loi anticorruption et de tendre vers son élimination complète.
            Discrimination
13.            Le Comité demeure préoccupé par:
a)            L’absence d’une législation anti-discrimination complète interdisant toute forme de discrimination dans la jouissance des droits énoncés dans le Pacte;
b)            Les disparités entre les zones rurales et urbaines dans la jouissance des droits économiques, sociaux, et culturels affectant de manière plus significative les individus et les groupes les plus marginalisés et les plus vulnérables;
c)            La discrimination de fait contre les Amazighs, en particulier concernant leur accès à l’éducation et à l’emploi (art. 2).
14.            Le Comité recommande à l’État partie :
a)            L’adoption et la mise en œuvre d’une loi anti-discrimination complète, qui devrait interdire de manière générale toute forme de discrimination, directe et indirecte, et qui autorise la mise en œuvre de mesures spéciales temporaires en faveur des groupes défavorisés ou marginalisés;
b)            De prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux disparités régionales qui ne permettent pas à toute la population de jouir sur un pied d’égalité des droits économiques, sociaux et culturels;
c)            Prendre des mesures pour assurer aux Amazighs la pleine jouissance de leurs droits consacrés par le Pacte  en adoptant si nécessaire des mesures spéciales temporaires;
d)            D’assurer que les femmes, les personnes handicapées, les demandeurs d’asile, les réfugiés, les migrants, les Sahraouis, les enfants nés hors mariage et les homosexuels puissent jouir des droits reconnus par le Pacte, en particulier l’accès à l’emploi, aux services sociaux, aux soins de santé et à l’éducation.
A cet égard, le Comité invite l’État partie à se reporter à son Observation générale no. 20 (2009) relative à la non-discrimination dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.
            Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle
15.            Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie criminalise les relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe (article 489 du Code pénal). Le Comité exprime son inquiétude concernant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre et la stigmatisation et la violence envers ces personnes (art. 2).
16.            Le Comité recommande à l’État partie d’abroger sans délai l’incrimination des relations sexuelles entre adultes de même sexe, de combattre toute discrimination ou stigmatisation contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres fondée sur leur orientation sexuelle et de punir les auteurs de violence motivée par la haine envers ces personnes. Le Comité lui recommande enfin de veiller à ce que ces personnes puissent exercer tous les droits consacrés par le Pacte.
            Egalité des droits entre les hommes et les femmes
17.            Le Comité demeure préoccupé que les progrès pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes sont très lents. Il est aussi préoccupé par  la persistance des stéréotypes sexistes qui empêchent le plein exercice par les femmes de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité:
a)            Exprime son inquiétude concernant les différents projets de lois en cours d’examen qui contiennent des dispositions discriminatoires contre les femmes (arts. 3 et 10);
b)            Regrette que la polygamie soit toujours légale et pratiquée même si l’État partie affirme une diminution de cette pratique (art. 3);
c)            Note avec préoccupation la persistance de la ségrégation, à la fois horizontale et verticale qui existe sur le marché de l’emploi et le très faible taux de participation des femmes au marché de travail. Il est également préoccupé par le fait que les femmes occupent des emplois précaires et moins payés (arts. 3 et 7).
18.            Tenant compte de son Observation générale no. 16 (2005) sur le droit égal de l’homme et de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels, le Comité recommande à l’État partie :
a)            De combattre la discrimination contre les femmes à travers notamment des campagnes de sensibilisation auprès de la population, en particulier des chefs religieux et traditionnels en vue de l’élimination de toute forme de discrimination fondée sur le sexe. Il lui recommande également de prendre en considération les avis des parties prenantes en vue de l’adoption des différentes lois pendantes, notamment la loi 19.14 relative à l’Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes les formes de Discrimination;
b)            D’abolir la polygamie et de mener des campagnes de sensibilisation pour éliminer les stéréotypes sexistes et promouvoir les droits des femmes;
c)            D'identifier les obstacles rencontrés par les femmes dans l’emploi et la vie professionnelle et prendre des mesures conséquentes, y compris des mesures ciblées, pour la conciliation de la vie familiale avec le monde du travail, qui permettent d´augmenter le taux de participation des femmes. Il lui recommande de continuer à œuvrer pour atteindre un pourcentage acceptable de postes bien rémunérés et à responsabilité occupés par les femmes en adoptant des mesures temporaires spéciales le cas échéant.
            Droit au travail
19.            Tout en prenant note des informations concernant les contentieux du travail réglés grâce à l’intervention de l’Inspection du travail et les affaires devant les juridictions administratives, le Comité trouve préoccupante l’information concernant la durée excessive pour rendre les jugements relatifs aux contentieux du travail et le manque d’effet dissuasif des sanctions qui sont parfois dérisoires ou ne sont pas exécutées (arts. 2 et 7).
20.            Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir en droit comme en pratique des recours efficaces et accessibles pour la protection du droit du travail. Il l'encourage à créer des tribunaux spécialisés en matière de contentieux du travail.
            Chômage
21.            Tout en notant les mesures prises par l’État partie visant à faire baisser le taux de chômage, le Comité est préoccupé par le fait que le chômage continue d’affecter de manière plus significative les jeunes et les femmes (arts. 3, 6 et 7).
22.            Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour réduire sensiblement le taux de chômage en ciblant les femmes et les jeunes, y compris par des programmes de requalification et de formation professionnelle et technique, en plus des mesures incitatives pour les employeurs. A cet égard, il invite l’État partie à se reporter à son Observation générale no. 18 (2005) sur le droit au travail.
            Personnes handicapées
23.            Le Comité regrette que le projet de loi relatif à la promotion et la protection des droits des personnes handicapées ne soit toujours pas adopté. Le Comité demeure également préoccupé par le fait que malgré que l’État partie ait décidé d’établir un quota de 7% des postes réservés aux personnes handicapées, la mise en œuvre de ce quota n’est pas encore effective et l’emploi de ces personnes ne s’est pas amélioré (art. 6).
24.            Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption de la loi susmentionnée et de promouvoir son application. Il lui recommande également de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux personnes handicapées de jouir pleinement de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il encourage l’État partie à appliquer le quota de 7% et à prendre toute autre mesure spéciale pour faciliter leur accès à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé.
            Salaire minimum
25.            Le Comité est préoccupé par les disparités du salaire minimum entre les différents secteurs d’activité économique. Il exprime sa préoccupation concernant le salaire minimum agricole qui reste bas et ne garantit pas un niveau de vie décent. Il note avec préoccupation que le niveau bas du salaire agricole affecte particulièrement les femmes qui sont surreprésentées dans ce secteur. Il juge aussi préoccupant le fait que le salaire minimum ne s’applique pas aux travailleurs domestiques (art. 7).
26.            Le Comité recommande à l’État partie de garantir que le salaire minimum national s’applique à tous les secteurs, publics et privés, y compris au sein de l’économie informelle. Il demande instamment à l’État d’améliorer le salaire minimum agricole afin qu’il garantisse une existence décente pour les travailleurs et les membres de leur famille. Le Comité recommande à l’État partie de faire respecter le principe légal de salaire minimum, qui soit régulièrement réexaminé et fixé à un montant suffisant pour permettre à tous les travailleurs et travailleuses et aux membres de leur famille d’avoir un niveau de vie décent.
            Economie informelle
27.            Le Comité est préoccupé par le pourcentage élevé des travailleurs employés dans l’économie informelle en dépit des mesures adoptées par l’État partie pour favoriser l’enregistrement des entreprises. De même, le Comité s’inquiète que les travailleurs de ce secteur et les travailleurs indépendants ne jouissent pas de conditions de travail justes et favorables et ne sont pas affiliés à la sécurité sociale. Par ailleurs, le Comité s’inquiète du nombre limité des inspecteurs de travail affectant plus particulièrement les travailleurs dans les zones éloignées ou rurales (art. 7 et 9).
28.            Le Comité recommande à l’État partie de renforcer ses efforts pour réguler l’économie informelle le travail indépendant, notamment en intégrant ces travailleurs dans les régimes de sécurité sociale et en améliorant progressivement leurs conditions de travail. Il recommande également à l’État partie d’étendre de façon systématique les services de l’inspection du travail au secteur informel et aux zones rurales, et de s’attaquer plus fermement aux obstacles à la création d’emplois dans l’économie formelle. A cet égard, il encourage l’État partie à s’inspirer de la Recommandation no. 204 de l’Organisation Internationale du Travail sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle (2015).
            Travailleurs domestiques
29.            Le Comité exprime sa préoccupation concernant le projet de loi fixant les conditions de travail et d’emploi des employés de maison qui permet le travail des enfants âgés d’au moins 16 ans qui aurait un impact négatif sur leur droit à l’éducation. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence des mesures strictes qui permettent de protéger pleinement les droits des domestiques (arts. 7 et 13).
30.            Le Comité recommande à l’État partie d’adopter le projet de loi fixant les conditions de travail et d’emploi des employés de maison. Il lui recommande de s'assurer que cette loi établisse l’âge minimum à 18 ans et garantisse que les travailleurs domestiques jouissent des conditions de travail justes et favorables comme d’autres travailleurs. Il recommande en outre à l’État partie de mettre sur pied un mécanisme d’inspection pour contrôler les conditions de travail des employés de maison.
            Harcèlement sexuel
31.            Tout en notant la déclaration de l’État partie qu’un projet de loi sur le harcèlement sexuel élargira le champ d’application de cette infraction, le Comité regrette que le harcèlement sexuel soit répandu et s’inquiète que les femmes aient des moyens limités pour obtenir justice et réparation par crainte des représailles ou du discrédit social (arts. 7 et 10).
32.            Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption du projet de loi sur le harcèlement sexuel, en particulier sur le lieu de travail mais aussi le harcèlement sexuel sous toutes ses formes et en tout lieu, incluant des peines à la mesure de la gravité de cette infraction. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre des mesures pour que les victimes puissent déposer plainte sans craindre des représailles et aient accès aux voies de recours et à une réparation adéquate.
            Droits syndicaux
33.            Le Comité réitère sa préoccupation concernant les restrictions au droit de grève, en particulier le maintien des dispositions dissuasives de l’article 288 du Code pénal et les obstacles administratifs pour la constitution des syndicats. Il regrette enfin l’assertion de l’État partie selon laquelle la garantie du droit de grève est conditionnée à l'adoption d’une loi organique (art. 8).
34.            Le Comité réitère sa recommandation à l’État partie de réviser l’article 288 du Code pénal en conformité avec l’article 8 du Pacte et de faciliter la constitution des syndicats. Le Comité lui recommande d’adopter les lois relatives à l’exercice du droit de grève et aux syndicats professionnels. En attendant la promulgation de ces lois, le Comité invite l’État partie à faciliter la constitution des syndicats sur la base de l’article 8 du Pacte.
            Sécurité sociale
35.            Le Comité reste préoccupé par le fait qu’en dépit des nombreuses mesures prises par l’État partie, une grande partie de la population active n’est pas couverte par la sécurité sociale, notamment les travailleurs dans l’économie informelle et dans certaines entreprises privées (art. 9).
36.            Le Comité recommande à l’État partie de continuer le déploiement du système de sécurité sociale afin de parvenir à une couverture élargie de la population. Le Comité demande instamment à l’État partie de faire respecter l’obligation d’affiliation à la sécurité sociale par les entreprises privées, surtout en milieu rural, et d’améliorer la couverture sociale des salariés du secteur agricole tout en s’assurant que ces mesures se basent sur des institutions solides et des procédures accessibles à tous. Le Comité renvoie l’État partie à son Observation générale no. 19 (2007) sur le droit à la sécurité sociale et à sa Déclaration sur les socles de protection sociale (2015).
            Violence envers les femmes
37.            Le Comité est préoccupé par la persistance de la violence à l’égard des femmes et du soutien limité offert aux victimes de violence, par le retard enregistré dans l’adoption du projet de loi sur les violences faites aux femmes et par le maintien de la criminalisation des « relations illicites », qui dissuade les femmes à porter plainte pour viol. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que certaines formes de violence au foyer, y compris le viol conjugal, ne sont pas expressément incriminées dans la législation nationale (art. 10).
38.            Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation globale sur les violences faites aux femmes conformément aux normes internationales en la matière et de veiller à son application en vue d’éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris le viol conjugal. Le Comité lui recommande d’abolir la criminalisation des relations sexuelles illicites. Enfin, le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour enquêter et poursuivre les auteurs et permettre aux victimes de la violence au foyer d’accéder à des moyens de recours utiles et à une protection immédiate, y compris par la mise en place de foyers d’accueil en nombre suffisant.
            Mariages d’enfants et forcés
39.            Le Comité exprime sa préoccupation concernant l'autorisation légale de célébrer dans certains cas des mariages avant l'âge légal de 18 ans qui a augmenté le nombre des mariages précoces et forcés dans le pays. Le Comité s'inquiète par ailleurs qu'un projet de loi en examen au niveau du Parlement fixe l’âge minimum pour le mariage à 16 ans (arts. 10 et 13).
40.            Le Comité invite l’État partie amender le projet de loi pour fixer l'âge minimum de mariage à 18 ans, d'abroger l’article 20 du Code de la famille qui permet au juge d'autoriser un mariage avant l’âge légal de 18 ans et de veiller à ce que le mariage soit contracté avec le libre consentement des futurs époux.
            Pauvreté
            41.            Tout en reconnaissant les progrès accomplis dans la réduction de la pauvreté, le Comité demeure préoccupé qu’elle continue d’affecter spécialement les femmes, les enfants, les Amazighs, les Sahraouis, les personnes âgées, les personnes handicapées et les personnes vivant dans les zones rurales. Il est également préoccupé par l'absence d'une répartition adéquate et la distribution équitable des ressources (art. 11).
42.            Le Comité recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts pour réduire la pauvreté, notamment en utilisant une stratégie de réduction de la pauvreté fondée sur les droits de l’homme qui cible spécifiquement les besoins des individus et des groupes défavorisés et marginalisés, en allouant des ressources financières suffisantes ou autres ressources pour sa mise en œuvre et en veillant à ce que ces ressources soient équitablement répartis entre tous ceux touchés par la pauvreté. À ce sujet, le Comité renvoie l'État partie à sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (2001).
            Expulsions forcées et droit au logement
43.            Tout en saluant les efforts et les progrès réalisés par l'État partie dans le domaine du logement, le Comité demeure préoccupé par :
a)            Les programmes de logement qui semblent ne pas couvrir de manière équitable les différentes régions;
b)            Le manque de logements adéquats et abordables à une partie de la population, en particulier dans les zones rurales et le nombre élevé de personnes vivant dans les bidonvilles qui sont vulnérables aux expulsions forcées;
c)            Les cas des sans-abri, y compris des enfants ainsi que les cas d'expulsions forcées liés aux projets de développement qui affectent entre autres les Amazigh (art. 11).
44.            Le Comité recommande à l'État partie de:
a)            Prendre des mesures concrètes pour veiller à ce que les ressources allouées aux programmes de logement soient uniformément et équitablement réparties entre les différentes régions et entre les zones rurales urbaines;
b)            Renforcer ses activités d’amélioration des conditions de vie pour offrir un logement abordable à la population, notamment à ceux qui vivent dans les zones rurales ainsi que dans les bidonvilles urbains et ruraux.  Il lui recommande également de veiller à ce que les projets de relogement comportent également un volet d'appui aux personnes les plus démunies;
c)            Résoudre la question des sans-abris en leur offrant un logement et s'assurer que les victimes d’expulsions forcées bénéficient d’un relogement ou d’une indemnisation adéquate.
À cet égard, le Comité renvoie l’État partie à son observation générale no 7 (1997) sur le droit à un logement suffisant: expulsions forcées et son Observation générale no 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant.
            Mortalité maternelle et santé sexuelle et procréative
45.            Le Comité reste préoccupé par le taux élevé de la mortalité maternelle surtout en milieu rural malgré les progrès très importants accomplis par l'État partie. Le Comité est particulièrement inquiet par le fait que 55% des femmes rurales bénéficieraient d’une assistance qualifiée lors des accouchements contre 92% des femmes urbaines. Le Comité s'inquiète aussi que la criminalisation totale de l'avortement pousse plusieurs femmes à recourir clandestinement à des avortements mettant ainsi en danger leur santé et leur vie (art. 12).
46.            Le Comité recommande à l’État partie de fournir à tous des installations, services, biens et information de qualité pour la santé sexuelle et procréative, en particulier dans les zones rurales en formant et en augmentant le nombre d'auxiliaires de santé et en sensibilisant les femmes et les hommes aux besoins de santé sexuelle et procréative. Le Comité lui recommande également d’abroger sa législation concernant l’interdiction totale de l’avortement afin d´adopter une législation compatible avec les droits de la femme et de prendre des mesures pour prévenir les avortements dangereux.
            Education
47.            Le Comité prend note des progrès significatifs dans l’accès à l´éducation mais demeure préoccupé par l’abandon et l'échec scolaire, ainsi que l’insuffisance de la qualité de l’enseignement public. Le Comité s’inquiète de l’ampleur de la privatisation de l'éducation, qui peut conduire à une forme de ségrégation avec une éducation de qualité réservée seulement à ceux qui peuvent payer une scolarisation privée d’élite. Le Comité exprime également sa préoccupation concernant l'accès limité à l’enseignement préscolaire, l'écart entre la scolarisation des filles et des garçons et les difficultés pour les Sahraouis d’accéder à l’éducation, surtout universitaire (art. 13 et 14).
48.            Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures urgentes pour s’attaquer aux problèmes de la qualité de l’enseignement public, de l’abandon scolaire et de l’échec scolaire. Il lui recommande de développer un système et un programme éducatif adaptés en mettant l’accent sur l'enseignement préscolaire, l'enseignement ou l'alphabétisation en langue maternelle, la formation professionnelle et l'encadrement des enfants ayant abandonné l’école. Le Comité demande instamment à l'État partie de prendre des mesures additionnelles pour améliorer la scolarisation des filles en zones rurales et pour éviter que l’importance croissante de l’enseignement privé se traduise par une inégalité croissante dans l’accès à un enseignement de qualité. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre en considération les besoins spécifiques des Sahraouis en vue de leur offrir une éducation qui puisse leur permettre de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre les nations et les groupes ethniques.
            Droits culturels
49.            Le Comité prend note que la langue amazighe a été reconnue constitutionnellement comme langue officielle, mais regrette que le projet de loi organique pour la mise en œuvre de cette reconnaissance n’ait pas été adopté à ce jour et du fait que la langue amazighe n'est pas enseignée à tous les niveaux de l’éducation. Le Comité demeure préoccupé par les difficultés pratiques rencontrées dans certains cas par les Amazigh à enregistrer des prénoms amazighs et par le fait que les émissions en langue amazighe ont une place très limitée dans la télévision publique, malgré les efforts de l'État partie. Le Comité exprime aussi sa préoccupation du fait que la langue et la culture saharo-hassanies ne sont pas suffisamment promues. Enfin, il note que des efforts restent à fournir concernant l’accès à la culture et à la science pour tous (art. 15).
50.            Le Comité recommande à l’État partie d’adopter le plus rapidement possible le projet de loi organique sur la langue Amazigh comme une des langues officielles de l’État et de redoubler ses efforts pour offrir l'enseignement primaire, secondaire et universitaire en Amazigh, augmenter la présence de cette langue dans la télévision et régler définitivement la question des prénoms Amazigh. Le Comité recommande aussi à l’État partie de prendre des mesures pour garantir aux Amazigh et aux Sahraouis la jouissance pleine et sans restriction de leur droit de participer à la vie culturelle. Il lui recommande aussi de prendre des mesures additionnelles pour protéger la diversité culturelle et leur permettre de préserver, promouvoir, exprimer et diffuser leur identité, leur histoire, leur culture, leur langue, leurs traditions et leurs coutumes. Enfin, le Comité encourage l'État partie à continuer à faciliter l'accès à la culture et à la science pour tous, y compris l’accès à Internet, en particulier pour les personnes handicapées et les personnes les plus démunies de sa population. A cet égard, le Comité invite l’État partie à se reporter sur son Observation générale no 21 (2009) sur le droit de chacun de participer à la vie culturelle.
D.            Autres recommandations
51.            Le Comité accueille avec satisfaction la déclaration faite par la délégation que l’État partie étudiait la possibilité de ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il l’encourage à le ratifier le plus tôt que possible.
52.            Le Comité recommande à l’État partie d'encourager une collecte systématique de données et d’élaborer et d’utiliser des statistiques sur les indicateurs des droits de l’homme, dont les droits économiques, sociaux et culturels, fondées sur de telles données. À cet égard, le Comité renvoie l’État partie au cadre conceptuel et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme élaboré par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HRI/MC/2008/3). Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données statistiques annuelles comparatives sur l’exercice de chaque droit énoncé dans le Pacte, ventilées par âge, sexe, population rurale/urbaine et autres critères pertinents, en prêtant une attention particulière à la situation des groupes défavorisés.
53.            Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations finales dans tous les secteurs de la société, en particulier auprès des agents de l’État, des autorités judiciaires, des parlementaires, des avocats et des organisations de la société civile, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage aussi l’État partie à associer les organisations de la société civile aux discussions qui se tiennent au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.
54.            Le Comité demande à l’État partie de présenter son cinquième rapport périodique, conformément aux directives adoptées par le Comité en 2008 (E/C.12/2008/2), d’ici le 31 octobre 2020.