E/C.12/MAR/CO/4 Version avancée
non éditée
Distr. Générale 9 octobre 2015 Original: français
*Adoptées par le Comité à sa cinquante-sixième session (21 septembre
– 9 octobre 2015)
1. Le
Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné le quatrième rapport
périodique du Maroc sur l’application du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (E/C.12/MAR/4) à ses 64e et 65e
séances (E/C.12/2015/SR.64 et SR.65), tenues les 30 septembre et 1er octobre 2015,
et a adopté, à sa 75e séance, tenue le 8 octobre 2015, les observations
finales ci-après.
A. Introduction
2. Le
Comité accueille avec satisfaction la soumission du quatrième rapport périodique
du Maroc, les réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter
(E/C.12/MAR/Q/4/Add.1) et le dialogue constructif avec une large délégation interministérielle
de haut niveau. Le Comité se félicite également des réponses fournies par la délégation
aux questions posées lors du dialogue.
B. Aspects
positifs
3. Le
Comité note avec intérêt la ratification par l’État partie des instruments internationaux
relatifs aux droits de l’homme suivants:
a) La
Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les
disparitions forcées, en mai 2013;
b) La
Convention relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif,
en avril 2009;
c) Le
Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en novembre 2014.
4. Le
Comité accueille avec satisfaction l'adoption des plusieurs mesures législatives,
administratives et institutionnelles facilitant la jouissance des droits économiques,
sociaux et culturels par la population, notamment:
a) L’adoption
d'une nouvelle Constitution en 2011;
b) L’établissement
d’un budget sensible à la dimension genre en 2007;
c) La
mise sur pied de plusieurs institutions dont le Conseil Economique, Social et Environnemental,
le Conseil National des Droits de l’Homme, l’Institution du Médiateur le Conseil
Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche scientifique, l’Instance
Centrale de Prévention de la Corruption et la Délégation Interministérielle aux
Droits de l’Homme.
C. Principaux
sujets de préoccupation et recommandations
Autodétermination
et ressources naturelles
5. Tout
en prenant note de « l’initiative marocaine pour l’autonomie élargie des populations
», le Comité réitère sa préoccupation relative à l’absence de solution à ce jour
concernant le droit à l’autodétermination du territoire non autonome du Sahara occidental.
Le Comité demeure également préoccupé par la situation précaire au retour des
réfugiés Sahraouis, déplacés suite au conflit du Sahara occidental, en particulier
les femmes et les enfants. Il s'inquiète aussi du fait que l'implication des Sahraouis
à l’utilisation et à l’exploitation des ressources n’a pas toujours été respecté
(arts. 1 et 25).
6. Le
Comité recommande à l’État partie :
a) De
redoubler d’efforts, sous l'égide des Nations Unies, pour trouver une solution
à la question du droit à l’autodétermination du Sahara occidental comme
prescrit à l´article 1 du Pacte qui reconnait le droit des peuples à déterminer librement leur statut politique et à assurer
librement leur développement économique, social et culturel. Le Comité
rappelle que les États parties au Pacte dans les territoires non autonomes sont
tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,
et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des
Nations Unies;
b) De
prendre des mesures pour respecter les droits des réfugiés Sahraouis à leur
retour. Il lui recommande
également de garantir le respect du principe de consentement préalable, libre
et en connaissance de cause des Sahraouis afin qu´ils puissent exercer leur
droit à
profiter et à user pleinement et librement de leurs richesses et ressources naturelles,
conformément à l´article 25 du Pacte.
Mur
de sable (Berm)
7. Tout
en notant le souci sécuritaire évoqué par l’État partie, le Comité est
profondément préoccupé que le mur de sable, fortifié des mines antipersonnel, construit par l’État partie
entre la partie du territoire du Sahara occidental contrôlé par le Maroc et le
reste du territoire, empêche les Sahraouis de jouir pleinement de leurs droits
consacrés dans le Pacte.
8. Le
Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures adéquates pour
permettre aux Sahraouis d’accéder à leurs terres et ressources naturelles et de
se réunir avec leurs familles. Il lui recommande d’accélérer son programme de
déminage du mur de sable. Le Comité demande à l’État partie de fournir des
informations détaillées sur la jouissance par les Sahraouis de tous les droits
consacrés par le Pacte dans son prochain rapport périodique.
Application
directe du Pacte
9. Le
Comité regrette que l’État partie n’ait pas donné d’informations détaillées sur
des cas dans lesquels les dispositions du Pacte ont été appliquées par les tribunaux
nationaux, bien que la Constitution de 2011 reconnaisse la primauté des instruments
internationaux ratifiés par le Maroc sur les lois internes (art. 2, para. 1).
10. Le
Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour donner
effet au Pacte dans l’ordre juridique interne et d’inclure dans son prochain rapport
périodique des informations relatives aux décisions judiciaires ou administratives
prises dans ce sens. Il encourage l’État partie à mener des campagnes de sensibilisation
auprès des juges, des avocats et de la population en général sur les dispositions
du Pacte et sur sa primauté sur les lois internes permettant son application directe.
Le Comité attire l’attention de l’État partie sur son Observation générale no. 9
(1998) concernant l’application du Pacte au niveau national.
Corruption
11. Le
Comité est préoccupé par l’étendue de la corruption dans l’État partie, qui
subsiste en dépit des mesures prises
par celui-ci. Le Comité regrette l’absence d’information concernant la prise en
compte ou non des commentaires des organisations de la société civile sur le projet
de loi 113.12 relative à l’instance de la probité, de la prévention et de la lutte
contre la corruption. Le Comité prend note de nombreux renseignements fournis
sur la lutte contre la corruption, y compris concernant les personnes condamnées
pour corruption, suite à la dénonciation des citoyens grâce à la ligne verte établie
par le Gouvernement. Toutefois, le Comité regrette l’absence d’information détaillée
concernant la protection légale des dénonciateurs, des témoins et la
compensation des victimes. Il regrette aussi l’absence d’information sur l’inclusion ou non dans les rapports
annuels que doit présenter cette instance devant le Parlement de la
description des cas de corruption
portés à sa connaissance (art. 2, para. 1).
12. Le
Comité recommande à l’État partie :
a) De
redoubler d’efforts pour lutter efficacement contre la corruption et garantir la
transparence dans la conduite des affaires publiques, notamment en appliquant la
loi 113.12 et en tenant compte des observations des organisations de la société
civile;
b) De
veiller à la protection des dénonciateurs et des témoins en garantissant si
nécessaire leur anonymat et en les protégeant contre toute forme de représailles
ainsi que de fournir une compensation aux victimes;
c) D’encourager
l’instance de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption
à faire figurer dans ses rapports annuels une description des cas de corruption
traités par elle pour dissuader la commission de tels actes et renforcer l’application
effective de la loi;
d) De
mener des campagnes de sensibilisation auprès des responsables politiques, des magistrats,
des parlementaires et des fonctionnaires sur la nécessité d'appliquer strictement
la loi anticorruption et de tendre vers son élimination complète.
Discrimination
13. Le
Comité demeure préoccupé par:
a) L’absence
d’une législation anti-discrimination complète interdisant toute forme de
discrimination dans la jouissance des droits énoncés dans le Pacte;
b) Les
disparités entre les zones rurales et urbaines dans la jouissance des droits économiques,
sociaux, et culturels affectant de manière plus significative les individus et les
groupes les plus marginalisés et les plus vulnérables;
c) La
discrimination de fait contre les Amazighs, en particulier concernant leur accès
à l’éducation et à l’emploi (art. 2).
14. Le
Comité recommande à l’État partie :
a) L’adoption
et la mise en œuvre d’une loi anti-discrimination complète, qui devrait
interdire de manière générale toute forme de discrimination, directe et indirecte,
et qui autorise la mise en œuvre de mesures spéciales temporaires en faveur des
groupes défavorisés ou marginalisés;
b) De
prendre toutes les mesures nécessaires pour remédier aux disparités régionales qui
ne permettent pas à toute la population de jouir sur un pied d’égalité des droits
économiques, sociaux et culturels;
c) Prendre
des mesures pour assurer aux Amazighs la pleine jouissance de leurs droits
consacrés par le Pacte en adoptant si nécessaire des mesures spéciales
temporaires;
d) D’assurer
que les femmes, les personnes handicapées, les demandeurs d’asile, les réfugiés,
les migrants, les Sahraouis, les enfants nés hors mariage et les homosexuels puissent
jouir des droits reconnus par le Pacte, en particulier l’accès à l’emploi, aux services
sociaux, aux soins de santé et à l’éducation.
A cet égard, le Comité
invite l’État partie à se reporter à son Observation générale no. 20 (2009) relative
à la non-discrimination dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels.
Discrimination
fondée sur l’orientation sexuelle
15. Le
Comité est préoccupé par le fait que l’État partie criminalise les relations sexuelles
consenties entre adultes de même sexe (article 489 du Code pénal). Le Comité exprime
son inquiétude concernant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et
l’identité de genre et la stigmatisation et la violence envers ces personnes
(art. 2).
16. Le
Comité recommande à l’État partie d’abroger sans délai l’incrimination des relations
sexuelles entre adultes de même sexe, de combattre toute discrimination ou stigmatisation
contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres fondée sur
leur orientation sexuelle et de punir les auteurs de violence motivée par la
haine envers ces personnes. Le Comité lui recommande enfin de veiller à ce que ces
personnes puissent exercer tous les droits consacrés par le Pacte.
Egalité
des droits entre les hommes et les femmes
17. Le
Comité demeure préoccupé que les progrès pour l’élimination de la
discrimination à l’égard des femmes sont très lents. Il est aussi préoccupé
par la persistance des stéréotypes
sexistes qui empêchent le plein exercice par les femmes de leurs droits économiques,
sociaux et culturels. Le Comité:
a) Exprime
son inquiétude concernant les différents projets de lois en cours d’examen qui
contiennent des dispositions discriminatoires contre les femmes (arts. 3 et 10);
b) Regrette
que la polygamie soit toujours légale et pratiquée même si l’État partie
affirme une diminution de cette pratique (art. 3);
c) Note
avec préoccupation la persistance de la ségrégation, à la fois horizontale et verticale
qui existe sur le marché de l’emploi et le très faible taux de participation des
femmes au marché de travail. Il est également préoccupé par le fait que les femmes
occupent des emplois précaires et moins payés (arts. 3 et 7).
18. Tenant
compte de son Observation générale no. 16 (2005) sur le droit égal de l’homme et
de la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels, le
Comité recommande à l’État partie :
a) De
combattre la discrimination contre les femmes à travers notamment des campagnes
de sensibilisation auprès de la population, en particulier des chefs religieux et
traditionnels en vue de l’élimination de toute forme de discrimination fondée sur
le sexe. Il lui recommande également de prendre en considération les avis des parties
prenantes en vue de l’adoption des différentes lois pendantes, notamment la loi
19.14 relative à l’Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes les formes
de Discrimination;
b) D’abolir
la polygamie et de mener des campagnes de sensibilisation pour éliminer les stéréotypes
sexistes et promouvoir les droits des femmes;
c) D'identifier
les obstacles rencontrés par les femmes dans l’emploi et la vie professionnelle
et prendre des mesures conséquentes, y compris des mesures ciblées, pour la conciliation
de la vie familiale avec le monde du travail, qui permettent d´augmenter le taux
de participation des femmes. Il lui recommande de continuer à œuvrer pour atteindre
un pourcentage acceptable de postes bien rémunérés et à responsabilité occupés par
les femmes en adoptant des mesures temporaires spéciales le cas échéant.
Droit
au travail
19. Tout
en prenant note des informations concernant les contentieux du travail réglés grâce
à l’intervention de l’Inspection du travail et les affaires devant les juridictions
administratives, le Comité trouve préoccupante l’information concernant la durée
excessive pour rendre les jugements relatifs aux contentieux du travail et le manque
d’effet dissuasif des sanctions qui sont parfois dérisoires ou ne sont pas exécutées
(arts. 2 et 7).
20. Le
Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour garantir
en droit comme en pratique des recours efficaces et accessibles pour la protection
du droit du travail. Il l'encourage à créer des tribunaux spécialisés en matière
de contentieux du travail.
Chômage
21. Tout
en notant les mesures prises par l’État partie visant à faire baisser le taux de
chômage, le Comité est préoccupé par le fait que le chômage continue d’affecter
de manière plus significative les jeunes et les femmes (arts. 3, 6 et 7).
22. Le
Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour réduire sensiblement
le taux de chômage en ciblant les femmes et les jeunes, y compris par des programmes
de requalification et de formation professionnelle et technique, en plus des mesures
incitatives pour les employeurs. A cet égard, il invite l’État partie à se reporter
à son Observation générale no. 18 (2005) sur le droit au travail.
Personnes
handicapées
23. Le
Comité regrette que le projet de loi relatif à la promotion et la protection des
droits des personnes handicapées ne soit toujours pas adopté. Le Comité demeure
également préoccupé par le fait que malgré que l’État partie ait décidé d’établir
un quota de 7% des postes réservés aux personnes handicapées, la mise en œuvre
de ce quota n’est pas encore effective et l’emploi de ces personnes ne s’est pas
amélioré (art. 6).
24. Le
Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption de la loi susmentionnée
et de promouvoir son application. Il lui recommande également de prendre toutes
les mesures nécessaires pour permettre aux personnes handicapées de jouir pleinement
de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Il encourage l’État partie à
appliquer le quota de 7% et à prendre toute autre mesure spéciale pour faciliter
leur accès à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé.
Salaire
minimum
25. Le
Comité est préoccupé par les disparités du salaire minimum entre les différents
secteurs d’activité économique. Il exprime sa préoccupation concernant le salaire
minimum agricole qui reste bas et ne garantit pas un niveau de vie décent. Il note
avec préoccupation que le niveau bas du salaire agricole affecte particulièrement
les femmes qui sont surreprésentées dans ce secteur. Il juge aussi préoccupant le
fait que le salaire minimum ne s’applique pas aux travailleurs domestiques (art.
7).
26. Le
Comité recommande à l’État partie de garantir que le salaire minimum national s’applique
à tous les secteurs, publics et privés, y compris au sein de l’économie informelle.
Il demande instamment à l’État d’améliorer le salaire minimum agricole afin qu’il
garantisse une existence décente pour les
travailleurs et les membres de leur famille. Le Comité recommande à l’État
partie de faire respecter le principe légal de salaire minimum, qui soit régulièrement
réexaminé et fixé à un montant suffisant pour permettre à tous les travailleurs
et travailleuses et aux membres de leur famille d’avoir un niveau de vie
décent.
Economie
informelle
27. Le
Comité est préoccupé par le pourcentage élevé des travailleurs employés dans l’économie
informelle en dépit des mesures adoptées par l’État partie pour favoriser l’enregistrement
des entreprises. De même, le Comité s’inquiète que les travailleurs de ce secteur
et les travailleurs indépendants ne jouissent pas de conditions de travail justes
et favorables et ne sont pas affiliés à la sécurité sociale. Par ailleurs, le Comité
s’inquiète du nombre limité des inspecteurs de travail affectant plus particulièrement
les travailleurs dans les zones éloignées ou rurales (art. 7 et 9).
28. Le
Comité recommande à l’État partie de renforcer ses efforts pour réguler l’économie
informelle le travail indépendant, notamment en intégrant ces travailleurs dans
les régimes de sécurité sociale et en améliorant progressivement leurs conditions
de travail. Il recommande également à l’État partie d’étendre de façon systématique
les services de l’inspection du travail au secteur informel et aux zones rurales,
et de s’attaquer plus fermement aux obstacles à la création d’emplois dans l’économie
formelle. A cet égard, il encourage l’État partie à s’inspirer de la Recommandation
no. 204 de l’Organisation Internationale du Travail sur la transition de l’économie
informelle vers l’économie formelle (2015).
Travailleurs
domestiques
29. Le
Comité exprime sa préoccupation concernant le projet de loi fixant les conditions
de travail et d’emploi des employés de maison qui permet le travail des enfants
âgés d’au moins 16 ans qui aurait un impact négatif sur leur droit à
l’éducation. Le Comité est aussi préoccupé par l’absence des mesures strictes qui
permettent de protéger pleinement les droits des domestiques (arts. 7 et 13).
30. Le
Comité recommande à l’État partie d’adopter le projet de loi fixant les conditions
de travail et d’emploi des employés de maison. Il lui recommande de s'assurer que
cette loi établisse l’âge minimum à 18 ans et garantisse que les travailleurs
domestiques jouissent des conditions de travail justes et favorables comme d’autres
travailleurs. Il recommande en outre à l’État partie de mettre sur pied un mécanisme
d’inspection pour contrôler les conditions de travail des employés de maison.
Harcèlement
sexuel
31. Tout
en notant la déclaration de l’État partie qu’un projet de loi sur le harcèlement
sexuel élargira le champ d’application de cette infraction, le Comité regrette que
le harcèlement sexuel soit répandu et s’inquiète que les femmes aient des moyens
limités pour obtenir justice et réparation par crainte des représailles ou du discrédit
social (arts. 7 et 10).
32. Le
Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption du projet de loi sur le
harcèlement sexuel, en particulier sur le lieu de travail mais aussi le
harcèlement sexuel sous toutes ses formes et en tout lieu, incluant des peines à
la mesure de la gravité de cette infraction. Le Comité recommande également à l’État
partie de prendre des mesures pour que les victimes puissent déposer plainte sans
craindre des représailles et aient accès aux voies de recours et à une réparation
adéquate.
Droits
syndicaux
33. Le
Comité réitère sa préoccupation concernant les restrictions au droit de grève, en
particulier le maintien des dispositions dissuasives de l’article 288 du Code pénal
et les obstacles administratifs pour la constitution des syndicats. Il regrette
enfin l’assertion de l’État partie selon laquelle la garantie du droit de grève
est conditionnée à l'adoption d’une loi organique (art. 8).
34. Le
Comité réitère sa recommandation à l’État partie de réviser l’article 288 du Code
pénal en conformité avec l’article 8 du Pacte et de faciliter la constitution des
syndicats. Le Comité lui recommande d’adopter les lois relatives à l’exercice du
droit de grève et aux syndicats professionnels. En attendant la promulgation de
ces lois, le Comité invite l’État partie à faciliter la constitution des syndicats
sur la base de l’article 8 du Pacte.
Sécurité
sociale
35. Le
Comité reste préoccupé par le fait qu’en dépit des nombreuses mesures prises
par l’État partie, une grande partie de la population active n’est pas couverte
par la sécurité sociale, notamment les travailleurs dans l’économie informelle et
dans certaines entreprises privées (art. 9).
36. Le
Comité recommande à l’État partie de continuer le déploiement du système de sécurité
sociale afin de parvenir à une couverture élargie de la population. Le Comité demande
instamment à l’État partie de faire respecter l’obligation d’affiliation à la sécurité
sociale par les entreprises privées, surtout en milieu rural, et d’améliorer la
couverture sociale des salariés du secteur agricole tout en s’assurant que ces mesures
se basent sur des institutions solides et des procédures accessibles à tous. Le
Comité renvoie l’État partie à son Observation générale no. 19 (2007) sur le droit
à la sécurité sociale et à sa Déclaration sur les socles de protection sociale (2015).
Violence
envers les femmes
37. Le
Comité est préoccupé par la persistance de la violence à l’égard des femmes et du
soutien limité offert aux victimes de violence, par le retard enregistré dans l’adoption
du projet de loi sur les violences faites aux femmes et par le maintien de la criminalisation
des « relations illicites », qui dissuade les femmes à porter plainte pour viol.
Le Comité est en outre préoccupé par le fait que certaines formes de violence au
foyer, y compris le viol conjugal, ne sont pas expressément incriminées dans la
législation nationale (art. 10).
38. Le
Comité recommande à l’État partie d’adopter une législation globale sur les violences
faites aux femmes conformément aux normes internationales en la matière et de veiller
à son application en vue d’éliminer toutes les formes de violence à l’égard des
femmes, y compris le viol conjugal. Le Comité lui recommande d’abolir la criminalisation
des relations sexuelles illicites. Enfin, le Comité recommande à l’État partie de
prendre des mesures pour enquêter et poursuivre les auteurs et permettre aux victimes
de la violence au foyer d’accéder à des moyens de recours utiles et à une protection
immédiate, y compris par la mise en place de foyers d’accueil en nombre suffisant.
Mariages
d’enfants et forcés
39. Le
Comité exprime sa préoccupation concernant l'autorisation légale de célébrer
dans certains cas des mariages avant l'âge légal de 18 ans qui a augmenté le nombre
des mariages précoces et forcés dans le pays. Le Comité s'inquiète par ailleurs
qu'un projet de loi en examen au niveau du Parlement fixe l’âge minimum pour le
mariage à 16 ans (arts. 10 et 13).
40. Le
Comité invite l’État partie amender le projet de loi pour fixer l'âge minimum de
mariage à 18 ans, d'abroger l’article 20 du Code de la famille qui permet au juge
d'autoriser un mariage avant l’âge légal de 18 ans et de veiller à ce que le
mariage soit contracté avec le libre consentement des futurs époux.
Pauvreté
41. Tout
en reconnaissant les progrès accomplis dans la réduction de la pauvreté, le
Comité demeure préoccupé qu’elle continue d’affecter spécialement les
femmes, les enfants, les Amazighs, les Sahraouis, les
personnes âgées, les personnes handicapées et les personnes vivant dans les zones rurales. Il est également préoccupé par l'absence
d'une répartition adéquate et la
distribution équitable des ressources (art. 11).
42. Le Comité
recommande à l'État partie d'intensifier ses efforts
pour réduire la pauvreté, notamment
en utilisant une stratégie de réduction de la pauvreté fondée sur les droits
de l’homme qui cible spécifiquement les besoins des
individus et des groupes défavorisés et marginalisés,
en allouant des ressources financières
suffisantes ou autres ressources
pour sa mise en œuvre et en veillant à ce que ces ressources soient équitablement
répartis entre tous ceux touchés
par la pauvreté. À ce sujet, le
Comité renvoie l'État partie à sa déclaration sur la pauvreté et le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels (2001).
Expulsions
forcées et droit au logement
43. Tout en saluant les efforts et les progrès
réalisés par l'État partie dans le domaine du logement, le Comité demeure préoccupé par :
a) Les
programmes de logement qui semblent ne pas couvrir de manière équitable les différentes
régions;
b) Le manque de logements adéquats et abordables à une
partie de la population, en particulier dans les zones rurales et le
nombre élevé de personnes vivant dans les bidonvilles qui sont vulnérables aux
expulsions forcées;
c) Les
cas des sans-abri, y compris des enfants ainsi que les cas d'expulsions forcées
liés aux projets de développement qui affectent entre autres les Amazigh (art. 11).
44. Le Comité recommande à l'État partie de:
a) Prendre
des mesures concrètes pour veiller à ce que les ressources allouées aux
programmes de logement soient uniformément et équitablement réparties entre les
différentes régions et entre les zones rurales urbaines;
b) Renforcer ses activités d’amélioration des conditions de vie pour
offrir un logement abordable à la population, notamment à ceux qui vivent dans les
zones rurales ainsi que dans les bidonvilles urbains et ruraux. Il lui recommande
également de veiller à ce que les projets de relogement comportent également un
volet d'appui aux personnes les plus démunies;
c) Résoudre
la question des sans-abris en leur offrant un logement et s'assurer que les victimes
d’expulsions forcées bénéficient d’un relogement ou d’une indemnisation adéquate.
À cet égard, le Comité renvoie
l’État partie à son observation générale no 7 (1997) sur le droit à un logement
suffisant: expulsions forcées et son Observation générale no 4 (1991) sur le
droit à un logement suffisant.
Mortalité
maternelle et santé sexuelle et procréative
45. Le
Comité reste préoccupé par le taux élevé de la mortalité maternelle surtout en milieu
rural malgré les progrès très importants accomplis par l'État partie. Le Comité
est particulièrement inquiet par le fait que 55% des femmes rurales bénéficieraient
d’une assistance qualifiée lors des accouchements contre 92% des femmes urbaines.
Le Comité s'inquiète aussi que la criminalisation totale de l'avortement pousse
plusieurs femmes à recourir clandestinement à des avortements mettant ainsi en danger
leur santé et leur vie (art. 12).
46. Le
Comité recommande à l’État partie de fournir à tous des installations, services,
biens et information de qualité pour la santé sexuelle et procréative, en particulier
dans les zones rurales en formant et en augmentant le nombre d'auxiliaires de santé
et en sensibilisant les femmes et les hommes aux besoins de santé sexuelle et procréative.
Le Comité lui recommande également d’abroger sa législation concernant l’interdiction
totale de l’avortement afin d´adopter une législation compatible avec les
droits de la femme et de prendre des mesures pour prévenir les avortements
dangereux.
Education
47. Le
Comité prend note des progrès significatifs dans l’accès à l´éducation mais demeure
préoccupé par l’abandon et l'échec scolaire, ainsi que l’insuffisance de la qualité
de l’enseignement public. Le Comité s’inquiète de l’ampleur de la privatisation
de l'éducation, qui peut conduire à une forme de ségrégation avec une éducation
de qualité réservée seulement à ceux qui peuvent payer une scolarisation privée
d’élite. Le Comité exprime également sa préoccupation concernant l'accès limité
à l’enseignement préscolaire, l'écart entre la scolarisation des filles et des garçons
et les difficultés pour les Sahraouis d’accéder à l’éducation, surtout
universitaire (art. 13 et 14).
48. Le
Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures urgentes pour s’attaquer
aux problèmes de la qualité de l’enseignement public, de l’abandon scolaire et de
l’échec scolaire. Il lui recommande de développer un système et un programme éducatif
adaptés en mettant l’accent sur l'enseignement préscolaire, l'enseignement ou l'alphabétisation
en langue maternelle, la formation professionnelle et l'encadrement des enfants
ayant abandonné l’école. Le Comité demande instamment à l'État partie de prendre
des mesures additionnelles pour améliorer la scolarisation des filles en zones rurales
et pour éviter que l’importance croissante de l’enseignement privé se traduise par
une inégalité croissante dans l’accès à un enseignement de qualité. Le Comité
recommande également à l’État partie de prendre en considération les besoins
spécifiques des Sahraouis en vue de leur offrir une éducation qui puisse leur
permettre de jouer un rôle utile dans une société
libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre les nations
et les groupes ethniques.
Droits
culturels
49. Le
Comité prend note que la langue amazighe a été reconnue constitutionnellement comme
langue officielle, mais regrette que le projet de loi organique pour la mise en
œuvre de cette reconnaissance n’ait pas été adopté à ce jour et du fait que la langue
amazighe n'est pas enseignée à tous les niveaux de l’éducation. Le Comité demeure
préoccupé par les difficultés pratiques rencontrées dans certains cas par les Amazigh
à enregistrer des prénoms amazighs et par le fait que les émissions en langue amazighe
ont une place très limitée dans la télévision publique, malgré les efforts de l'État
partie. Le Comité exprime aussi sa préoccupation du fait que la langue et la culture
saharo-hassanies ne sont pas suffisamment promues. Enfin, il note que des efforts
restent à fournir concernant l’accès à la culture et à la science pour tous (art.
15).
50. Le
Comité recommande à l’État partie d’adopter le plus rapidement possible le projet
de loi organique sur la langue Amazigh comme une des langues officielles de l’État
et de redoubler ses efforts pour offrir l'enseignement primaire, secondaire et universitaire
en Amazigh, augmenter la présence de cette langue dans la télévision et régler définitivement
la question des prénoms Amazigh. Le Comité recommande aussi à l’État partie de prendre
des mesures pour garantir aux Amazigh et aux Sahraouis la jouissance pleine et sans
restriction de leur droit de participer à la vie culturelle. Il lui recommande aussi
de prendre des mesures additionnelles pour protéger la diversité culturelle et leur
permettre de préserver, promouvoir, exprimer et diffuser leur identité, leur histoire,
leur culture, leur langue, leurs traditions et leurs coutumes. Enfin, le Comité
encourage l'État partie à continuer à faciliter l'accès à la culture et à la science
pour tous, y compris l’accès à Internet, en particulier pour les personnes handicapées
et les personnes les plus démunies de sa population. A cet égard, le Comité
invite l’État partie à se reporter sur son Observation générale no 21 (2009) sur
le droit de chacun de participer à la vie culturelle.
D. Autres
recommandations
51. Le
Comité accueille avec satisfaction la déclaration faite par la délégation que
l’État partie étudiait la possibilité de ratifier le Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il
l’encourage à le ratifier le plus tôt que possible.
52. Le
Comité recommande à l’État partie d'encourager une collecte systématique de
données et d’élaborer et d’utiliser des statistiques sur les indicateurs des
droits de l’homme, dont les droits économiques, sociaux et culturels, fondées
sur de telles données. À cet égard, le Comité renvoie l’État partie au cadre conceptuel
et méthodologique concernant les indicateurs des droits de l’homme élaboré par le
Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HRI/MC/2008/3). Le Comité demande
à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des données
statistiques annuelles comparatives sur l’exercice de chaque droit énoncé dans le
Pacte, ventilées par âge, sexe, population rurale/urbaine et autres critères pertinents,
en prêtant une attention particulière à la situation des groupes défavorisés.
53. Le
Comité demande à l’État partie de diffuser largement les présentes observations
finales dans tous les secteurs de la société, en particulier auprès des agents de
l’État, des autorités judiciaires, des parlementaires, des avocats et des organisations
de la société civile, et de l’informer, dans son prochain rapport périodique, des
mesures qu’il aura prises pour les mettre en œuvre. Il encourage aussi l’État partie
à associer les organisations de la société civile aux discussions qui se tiennent
au niveau national avant la présentation de son prochain rapport périodique.
54. Le
Comité demande à l’État partie de présenter son cinquième rapport périodique, conformément
aux directives adoptées par le Comité en 2008 (E/C.12/2008/2), d’ici le 31 octobre
2020.