mercredi 17 novembre 2010
Aminatou Haidar au Parlement européen le 16/11/10
Chers(e) amis(e),
Députés Européenes: Ivo VAJGL, Eva JOLY, Raül ROMEVA
Amb. M. Francesco BASTAGLI, Prof. Carlos RUIZ MIGUEL
Honorable audience,
Tout d’abord, je remercie chaleureusement les organisateurs de ce séminaire si important; pour m’avoir honoré et donné l'opportunité de pouvoir m’adresser à vous. A cette occasion, je tiens également à remercier tous les Eurodéputés et les groupes politiques qui m’ont soutenu durant ma grève de la faim que j’avais observée en 2009 en protestation contre mon expulsion arbitraire et illégale par les autorités marocaines à Lanzarote, aux îles Canaries. Je saisis également cette occasion pour les saluer pour avoir soutenu le groupe des 7 défenseurs sahraouis des droits de l’homme arrêtés en octobre 2009 juste après leur retour d’une visite à caractère humain des campements des refugiés sahraouis à Tindouf en Algérie.
Je souhaite le succès et la bonne réussite à notre conférence et que ses travaux puissent contribuer à mettre fin à l'injustice exercée contre le peuple Sahraoui
Mesdames et Messieurs,
Depuis 1975, l'état marocain, continue toujours de modifier la carte démographique des territoires occupés du Sahara Occidental en le peuplant par des milliers de civils marocains. La population sahraouie active s'est trouvée alors souffrir du chômage alors que les emplois sont accordés en priorité aux marocains résidants aux territoires occupés du Sahara Occidental. En signe de protestation contre les conditions socio-économiques précaires dans lesquelles elle vit; et contre les affres de la répression marocaine pratiquée à l’encontre du peuple sahraoui réclamant son droit à l’autodétermination, un exode collectif volontaire de la population civile sahraouie vers une zone en dehors du périmètre urbain de la ville d'El Aaiun/Sahara Occidental a été enregistré depuis le 10 octobre 2010. C’est ainsi que des milliers de civils sahraouis ont quitté la ville de El Aaiun pour dresser des campements qui etaient durant un mois surveillés par des hélicoptères et encerclés par un dispositif sécuritaire important et en particulier par des contingents de l’armée marocaine qui n’ont pas cessé de tabasser sauvagement les civils sahraouis tentant de regagner les campements, détruire leurs biens et imposer des restrictions quant à l’approvisionnement des campements en question en eau, nourriture et médicaments. Dans ces circonstances de quadrillage militaire, le 24 octobre 2010, le mineur sahraoui ELGARHI ENNAJEM âgé de 14 ans a trouvé la mort après avoir été criblé de balles par des éléments de l’armée marocaine. Les 05 jeunes sahraouis qui l’accompagnaient à bord d’un véhicule qui tentait de regagner les campements en question, ont été gravement blessés par balles et sauvagement torturés. Des convois des forces de la police et l’armée marocaines venant des villes marocaines ce sont vus affluer vers El Aaiun depuis le 1er jour de l’exode de la population civile sahraouie.
Depuis la pause des premières tentes, la presse et la classe politique marocaines n’ont cessé de véhiculer un message de la haine et du chauvinisme contre les civils sahraouis qui ont choisi de protester pacifiquement au désert, en dehors de la ville de El Aaiun.
Le lundi 08 novembre 2010, à l’aube, l'armée marocaine assistée par des hélicoptères militaires a organisé un assaut violent pour démanteler le campement. Durant cet assaut violent, les bombes lacrymogènes et les canons lanceurs d’eau chaude ont été utilisés contre les civils sahraouis. C’était un massacre de la population civile sahraouie qui avait eu lieu. Des centaines de civils sahraouis ont été sauvagement tabassés par les éléments de l’armée marocaine, des forces auxiliaires et de la gendarmerie royale marocaine.
Le bilan des victimes de ce massacre est très lourd; des centaines des blessés parmi eux des blesses par balles; et d'autres sont tout simplement heurtés par des véhicules de ces services, alors que des centaines de civils sahraouis ont été arrêtés et torturés férocement dont un groupe parmi eux sera différé devant un tribunal militaire; alors que les autres comparaitront devant la justice marocaine avec des chefs d’inculpation à caractère pénal. Des dizaines de civils sahraouis demeurent toujours disparus sans que leur sort ne soit connu.
Mesdames et Messieurs,
Après que l’armée marocaine ait semé la terreur à l’intérieur du campement, les civils sahraouis s'étaient évadés vers la ville d'El Aaiun pour sauver leurs vies. Les blessés parmi les évadés n’avaient pas pu accéder aux soins aux hôpitaux. Les tentes et leurs ameublements ont été détruits puis mis à feu par les éléments de l’armée marocaine. A l’arrivée des sahraouis évadés à El Aaiun, des manifestations réclamant le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui s’étaient éclatées dans tous les quartiers de la ville.
Aidés par des milices de civils marocains, les autorités marocaines avec toutes ses composantes avaient sauvagement réprimé les manifestants sahraouis. Les habitations des civils sahraouis ont été saccagées par la police les milices de civils marocains, et leurs meubles ont été détruits. Des dizaines de véhicules appartenant aux civils sahraouis ont été détruits puis brulés par les milices de civils marocains. Les enfants sahraouis se trouvent traumatiser par la sauvagerie de l’intervention musclée des autorités marocaines et les milices des civils marocains. Actuellement toute la ville de El Aaiun est contrôlée par des patrouilles de l’armée marocaine qui circulent dans tous ses quartiers et protègent les éléments de la police marocaine qui envahissent les habitations des civils sahraouis pour arrêter les jeunes sahraouis soupçonnés d’avoir participé aux manifestations. L’armée marocaine, utilisant actuellement des écoles comme casernes et lieux d’interrogatoires des civils sahraouis arrêtés, impose donc un quadrillage militaire total à la population civile sahraoui qui se trouve sous un vrai état de siège. Les journalistes et les observateurs étrangers demeurent toujours interdits de venir à El Aaiun pour voir de près la situation alarmante à El Aaiun occupé.
Vu le quadrillage militaire, sécuritaire et médiatique que connaît la ville de El Aaiun et tous les territoires occupés du Sahara Occidental, les défenseurs sahraouis des droits de l’homme se trouvent dans l’impossibilité de récolter toutes les informations sur les violations des droits de l’homme commises par les autorités marocaines à El Aaiun depuis le 08 novembre 2010.
Mesdames et Messieurs,
Par leur intervention barbare et leur encadrement des milices de civils marocains pour réprimer la population civile sahraouie, les autorités marocaines nourrissent le chauvinisme au sein de la population civile marocaine et alimentent certes la guerre civile entre les marocains et les sahraouis, ce qui va certainement déstabiliser la paix dans la région.
Malgré la montée du chauvinisme marocain depuis 1999 et la répression atroce qui l'accompagne, la population civile sahraouie a continué de mener une résistance pacifique et non violente. Dans les annales de la lutte des peuples pour exiger le respect de leurs droits légitimes, la population civile sahraouie faisait l’exception. Elle n'a jamais eu recours aux actions violentes ou à caractère terroriste ni contre les autorités marocaines ni contre les civils marocains résidants aux territoires occupés du Sahara Occidental. Cette population civile a toujours préféré compter sur la légalité internationale et le soutien de la communauté internationale pour faire exiger le respect de ses droits légitimes. C'est une population civile qui a choisi une lutte PROPRE. Elle est porteuse d'un message de PAIX et de TOLERANCE. Mais malheureusement face à l’indifférence affichée par la communauté internationale quant aux appels des défenseurs sahraouis des droits de l’homme l’appelant à faire des pressions sur le Maroc pour qu’il respecte les droits de l’homme au Sahara Occidental, les jeunes sahraouis désespérés ont riposté violement contre les autorités marocaines. C’est malheureux de voir la jeunesse de mon pays recourir à la violence pour exiger les droits légitimes du peuple sahraoui. Ça sera également malheureux de voir la communauté internationale continuer d’afficher son indifférence par rapport à l’exigence de la résolution du conflit du Sahara Occidental conformément à la légalité internationale. Dans ce cadre, j’appelle solennellement l'UE à agir pour la mise en œuvre, par l’ONU, d’une commission internationale chargée d’enquêter sur les évènements sanguinaires survenues le 08 novembre 2010 au campement de Gdeim Izik et à Laâyoune et l’élargissement du champ des compétences de la MINURSO au volet de la surveillance de la situation des droits de l’homme au Sahara Occidental ou l’attribution de cette compétence à un mécanisme de l’ONU. De même et pour la protection des droits de l’homme au Sahara Occidental, j’appelle l’Union Européenne à mettre en œuvre les recommandations émises par les deux commissions ad hoc du Parlement Européen qui s’étaient rendues au Sahara Occidental en 2002 et 2009 et je l'appelle aussi d'envoyer une nouvelle commission pour enquêter sur le massacre qu'a connu la population civile sahraouie à cause de sa revendication au respect de ses droits légitimes.
Mesdames et Messieurs,
Le sous –sol du Sahara Occidental est connu pour sa richesse en minerais et surtout les phosphates dont les réserves sont parmi les plus grandes à l’échelle internationale. En plus de cette richesse en minerais, le sous-sol du Sahara Occidental est connu également pour son énorme potentiel pétrolier et autres hydrocarbures. D’autre part, les eaux territoriales du Sahara Occidental restent parmi les eaux les plus poissonneuses du monde où on trouve les espèces halieutiques les plus recherchées par les investisseurs de l’industrie agro-alimentaire mondiale et en particulier européenne, japonaise et russe.
En plus du Maroc qui est le principal exploitant de ces ressources naturelles et halieutiques, ces ressources suscitent et continuent de susciter les appétits, partout dans le monde, des compagnies pétrolières, sociétés de pêche et Groupements industriels de valorisation minérale et en particulier ceux de l’industrie des fertilisants qui voulaient tirer profit de ce gisement de ressources naturelles et halieutiques du Sahara Occidental.
Contrairement aux principes fondamentaux du droit international applicables aux territoires non autonomes, à l'avis consultatif du bureau juridique du Conseil de sécurité saisi en 2002 sur la légalité des activités de reconnaissance et d'évaluation minérale et pétrolière au territoire du Sahara Occidental sous contrôle marocain, aux termes de l’Avis du Service Juridique du Parlement Européen en 2009 exigeant le respect du droit international pour la pêche de l’Union Européenne vis-à-vis du Sahara Occidental et bafouant les règles et les normes internationales régissant les activités économiques aux territoires non autonomes et en particulier l'exploitation des ressources naturelles et halieutiques, l’Etat marocain continue toujours de mener des activités économiques au territoire du Sahara Occidental, préjudiciables aux intérêts du peuple sahraoui. Ces activités économiques préjudiciables sont notamment l’offre et la signature des contrats de reconnaissance et d'évaluation minérale et pétrolière passées avec des compagnies étrangères, l’exploitation systématique des richesses halieutiques et minières (le sable et les phosphates en particulier). Cette exploitation illégale des richesses halieutiques et minières est illustrée par la commercialisation annuellement; de millions de tonnes des phosphates qui sont exportés vers les pays d'Europe, d'Asie, d'Amérique et d'Océanie, la commercialisation ; annuellement; des milliers de tonnes de sable qui sont exportés vers les îles Canaries, la présence dans les eaux territoriales du Sahara Occidental d'une énorme flotte marine marocaine et étrangère opérant dans la pêche hauturière, les activités de pêche, dans les eaux territoriales du Sahara Occidental, de navires battant pavillon des pays de l’Union Européenne en application de l’Accord de partenariat entre l’UE et le Maroc (Accord de partenariat relatif à la pêche) et la présence en campements, le long du littoral sahraoui, des milliers de pêcheurs marocains exerçant la pêche côtière et artisanale.
En plus de la privation du peuple sahraoui de tirer profit de l’exploitation de ses ressources naturelles et halieutiques, cette exploitation va conduire certainement à l'épuisement des ressources minières, et l’extinction des ressources halieutiques du Sahara Occidental et générer inévitablement des problèmes d’ordre économique et écologique graves, de nature à compromettre l’équilibre de l'écosystème marin et hypothéquer les intérêts économiques des générations futures au Sahara Occidental.
Mesdames et Messieurs,
Concernant les négociations entre l’UE et le Maroc sur le sujet de l’octroi d’un statut avancé, mon Organisation, le CODESA ne s’oppose pas par principe à une coopération renforcée entre le Maroc et l’UE, mais appelle l’Union Européenne à :
* mettre en œuvre les recommandations émises par la commission ad-hoc du Parlement Européen après sa visite au Sahara Occidental en 2009 et en particulier celles relatives au volet des droits de l’homme (rôle des ambassades et de la mission diplomatique de l’Union Européenne au Maroc dans l’observation des violations des droits de l’homme perpétrées à l’encontre des civils sahraouis et la rencontre des défenseurs sahraouis des droits de l’homme) ;
* de n' accorder ce statut préférentiel au Maroc (excluant nommément le Sahara Occidental) que sous réserve du respect des droits de l’homme au Maroc et au Sahara Occidental,
* ne pas étendre son application au territoire non autonome du Sahara Occidental,
Pour les négociations entre l’Union Européenne et le Maroc sur l’éventualité d’un renouvellement de l’Accord de partenariat relatif à la pêche, et vu les termes de l’Avis du Service Juridique du Parlement Européen exigeant le respect du droit international pour la pêche de l’UE vis-à-vis du Sahara Occidental, le CODESA interpelle l’Union Européenne qui est coresponsable de l’exploitation illicite des ressources halieutiques du Sahara Occidental et lui demande de :
* se conformer avec les principes du droit international concernant les droits du peuple Sahraoui sur ses ressources halieutiques,
* s’abstenir d’autoriser ses navires à pêcher dans les eaux territoriales du Sahara Occidental,
* ne pas reconduire avec le Maroc l’Accord de partenariat relatif à la pêche (excluant nommément le Sahara Occidental) que si ce dernier s’engage à respecter les droits de l’homme au Maroc et au Sahara Occidental.
* interdire aux compagnies relevant de leur jurisprudence de participer à l’exploitation des ressources naturelles et halieutiques du Sahara Occidental,
* demander aux compagnies qui participent déjà à cette exploitation de la cesser immédiatement.
Vu les antécédents concernant la protection des ressources naturelles et halieutiques des anciens territoires non autonomes, à savoir le Nauru, le Timor Oriental et la Namibie, accordée par l’ONU, il est d’une grande urgence que :
* les organismes de l'ONU compétents prennent toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la souveraineté permanente du peuple sahraoui sur ses ressources naturelles et halieutiques,
* l’ONU fasse savoir à la communauté internationale que l’exploitation des ressources naturelles et halieutiques par le Maroc est illégale,
* le Conseil de Sécurité attribue les compétences du contrôle des ressources naturelles et halieutique à la Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental "MINURSO" ou attribuer ce contrôle à un mécanisme de l’ONU.
Mesdames et Messieurs,
Bien que l’état marocain viole d’une façon grave les dispositions de la 4ème convention de Genève relative à la protection des civils lors des conflits armés, les violations graves des droits de l’homme commises par l’état marocain à l’encontre des civils sahraouis impliquent également la responsabilité de l’Organisation des Nations Unies "ONU" et la communauté internationale, non seulement à garantir et à maintenir la paix et la sécurité internationales et à protéger les principes de la justice mais à exercer des pressions sur l’état marocain pour le respect des droits de l’homme au Sahara Occidental. Pour cela, et afin de garantir une protection internationale pour les civils sahraouis et les prémunir contre d’éventuelles violations qui peuvent être commises par l’état marocain, je saisis ma présence parmi vous pour vous appeler à adhérer au mouvement international, qui s’élargit au fil des ans, interpellant l’ONU pour qu’elle contribue efficacement à la protection des civils sahraouis dans les territoires occupés du Sahara Occidental par l’envoi urgent d’une part d’une commission de l’ONU pour enquêter sur les dernières violations des droits de l’homme commises par l’état marocain à l’encontre des civils sahraouis et l’élargissement d’autre part du champ des compétences de la MINURSO au volet de la surveillance de la situation des droits de l’homme au Sahara Occidental ou par l’attribution de cette compétence à un autre mécanisme de l’ONU.
Mesdames et Messieurs,
Les autorités marocaines continuent avec persistance de commettre des violations graves des droits de l’homme à l’encontre des civils sahraouis aux territoires occupés du Sahara Occidental. L’état marocain s’est délibérément abstenu à ouvrir des enquêtes ou qu’il les a ouvertes mais sans déclencher des poursuites judiciaires conformément aux dispositions imposées par les pactes et les conventions internationales des droits de l’homme qu’il a signés et ratifiés. C’est ainsi que les responsables sécuritaires marocains impliqués dans ces violations bénéficient toujours de l’impunité et ne sont jamais traduits en justice. Bien qu’il y a un ensemble de considérations juridiques, humaines et morales rendant la mise en œuvre du principe d’interpellation et de poursuite judiciaires nécessaire et possible pour la détermination de la responsabilité pénale et civile dans le cas où les violations ont été commises par des personnes ou des entités officielles ou non officielles ou commises avec son consentement, il est à noter que le droit international humanitaire se trouve constamment violé par les autorités marocaines et en particulier les clauses interdisant l’impunité. Pour cela, j’appelle l'Union Européenne à exercer pression sur le Maroc, pour qu'il respecte ces conventions internationales et particulièrement les Clauses et directives concernant les droits de l'homme est les défenseurs des droits de l'homme, impliquées dans le Statut de l'UE et qui sont signées par le Maroc.
Mesdames et Messieurs,
Le Maroc, avec en particulier l'appui de certaines puissances mondiales, affiche toujours son refus de se conformer à la légalité internationale et permettre ainsi au peuple sahraoui de jouir de son droit à l’autodétermination. C’est pour cela que j’appelle l'UE et tous les groupes au sein du Parlement Européen et sollicite leur soutien pour exiger le respect des droits légitimes du peuple sahraoui et en particulier son droit à l’autodétermination. Enfin, je tiens, au nom de tous les membres de mon organisation, le CODESA, à vous exprimer ma profonde gratitude et ma haute considération.
Merci beaucoup pour votre attention.
AMINATOU HAIDAR, Présidente du CODESA, le 16 NOV 2010 au PE