Le Maroc condamné par le Comité de l’ONU contre la torture dans l’affaire Naama Asfari
Le
Maroc a été condamné [1] lundi 12 décembre par le Comité de l’ONU
contre la torture dans le cadre de la plainte déposée par l’ACAT et le
cabinet Ancile-avocats au nom du militant sahraoui Naama Asfari. Les
auteurs de la plainte appellent le Maroc à respecter cette décision, qui
constitue la première condamnation du Maroc par le Comité contre la
torture concernant des violations commises au Sahara occidental.
Le
Maroc est condamné pour de multiples violations de la Convention contre
la torture : torture pendant l’arrestation, l’interrogatoire et la
détention (art.1) de Naama Asfari, absence d’enquête sur les allégations
de torture répétées (art.12), violation de l’obligation de garantir le
droit de porter plainte à travers des représailles contre la victime et
l’un de ses avocats (art.13), violation de l’obligation d’indemnisation
et réparation (art.14), prise en compte d’aveux signés sous la torture
(art.15) et mauvais traitements en détention (art.16).
Le
Comité onusien demande au Maroc d’indemniser la victime, de mener une
enquête indépendante et impartiale sur les allégations de torture et de
mauvais traitements et de poursuivre les auteurs et de s’abstenir de
tout acte de pression, d’intimidation ou de représailles susceptibles de
nuire à l’intégrité physique et morale du plaignant et de sa famille.
Un nouveau procès le 26 décembre
« Au-delà
du cas de Naama Asfari, 23 autres militants sahraouis ont été arrêtés,
torturés et condamnés à l’issue d’un procès inéquitable dans la même
affaire », rappelle Hélène Legeay, responsable Maghreb/Moyen-Orient à l’ACAT. «
La décision du Comité contre la torture devrait bénéficier à tous et
être mise en œuvre sans tarder par les juges de la Cour d’appel de Rabat
qui vont être amenés à rejuger les accusés le 26 décembre prochain. »
Les
tortures, mauvais traitements, détention arbitraire et procès
inéquitables subis par Naama Asfari et ses coaccusés ne sont pas
seulement des violations des droits de l’homme, mais constituent aussi
des violations du droit international humanitaire. En effet, le Sahara
occidental est un territoire occupé, annexé illégalement par le Maroc
depuis 1975. La communauté internationale ne reconnait au Maroc aucun
droit sur le Sahara occidental. A ce titre, comme en Palestine, le
peuple autochtone du Sahara occidental devrait bénéficier des règles
protectrices du droit international humanitaire qui sont un rempart
contre l’arbitraire de la puissance occupante.
« Espérons
que la justice marocaine prenne en compte l’impératif du droit
international : tant les décisions du Comité contre la torture que les
résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies », déclare Me Joseph Breham. « Ce faisant, le royaume du Maroc montrerait que le respect de ses engagements internationaux n’est pas un vain mot. »
Naama Asfari et ses coaccusés, détenus depuis 2010 et condamnés sur la base d’aveux signés sous la torture
Cela
fait trois ans que Naama Asfari et ses coaccusés ont été condamnés pour
leur participation présumée au camp de protestation sahraoui de Gdeim
Izik en novembre 2010.
Au
cours de l’évacuation forcée du camp, des affrontements ont éclaté
entre l’armée et des manifestants sahraouis, au cours desquels neuf
soldats marocains auraient trouvé la mort. Naama Asfari a été condamné à
30 ans d’emprisonnement pour meurtre alors même qu’il a été arrêté la
veille du démantèlement. Torturé, battu, humilié pendant sa garde à vue
en 2010, il avait signé des aveux sous la contrainte. Avec lui, 23
autres militants sahraouis ont subi un sort similaire. Neuf des accusés
ont été condamnés à la perpétuité, quatre à 30 ans d’emprisonnement,
sept autres à 25 ans, trois à 20 ans et les deux derniers, condamnés à
deux ans d’emprisonnement, ont été libérés car ils avaient déjà effectué
leur peine en détention préventive.
Ce
verdict a été prononcé à l’issue de neuf jours de procès inéquitable
marqué notamment par la prise en compte d’aveux arrachés sous la
torture. Plusieurs observateurs internationaux présents aux audiences
ont dénoncé de nombreuses irrégularités parmi lesquelles le fait que les
accusés ont été poursuivis devant le tribunal militaire malgré leur
qualité de civil. De plus, il n’y a eu aucune autopsie des neuf victimes
des forces de sécurité et leur nom n’a même pas été mentionné. Les
juges se sont refusés à tenir compte des allégations de torture
formulées par les accusés et de satisfaire à leur demande d’expertise
médicale, en violation du droit marocain et du droit international.
Aucune preuve n’a été présentée prouvant l’implication des accusés dans
le meurtre des agents de sécurité.
Contact presse :
• Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr
• Me Joseph Breham, 01 44 54 38 90 jb@jb-juris.fr
Note aux rédactions : La condamnation peut être consultée en suivant ce lien : https://www.acatfrance.fr/public/20161212_cat_decision-asfari.pdf