L'année dernière, les services juridiques du Parlement européen ont estimé que les activités de pêche de l'UE au Sahara Occidental seraient illégales si les populations indigènes sahraouies n'étaient pas consultées. Cette semaine, le Maroc a refusé la visite d'une délégation du Parlement au Sahara Occidental occupé, qui devait constater si cette consultation avait eu lieu.
En décembre 2009, la Commission européenne pour la pêche a formulé unilatéralement une demande de visite au Maroc, dans le but d'examiner comment l'Accord de partenariat de la pêche (APP) est mis en oeuvre.
Après des mois sans aucune réponse officielle, le Maroc a officiellement rejeté la proposition de la Commission pour la pêche de se rendre dans le territoire, prétendant que le moment pour une telle visite "n'est pas opportun". Ceci plusieurs mois après que le Maroc ait donné l'impression à la présidence de la Commission européenne qu'une visite de parlementaires européens ne posait pas de problème.
Les services juridiques du Parlement avaient déjà indiqué que, tant que la population autochtone du Sahara Occidental, les Sahraouis, n'a pas été consultée sur cet accord, la coopération UE-Maroc devait être considérée comme une violation du droit international. Le Maroc occupe le Sahara Occidental depuis 1975, et l'Union européenne verse des millions d'euros chaque année au gouvernement marocain afin qu'il permette à des pêcheurs, majoritairement espagnols, de pêcher dans les eaux occupées. La pêche représente un soutien direct politique et financier à l'occupation illégale du Maroc, alors que les Sahraouis s'opposent aux navires européens pêchant dans leurs eaux.
«Il est malheureux que les autorités marocaines n'accordent pas au Parlement européen la possibilité d'établir les faits sur le terrain», a déclaré Isabelle Lövin, l'une des 13 membres du Parlement qui s'était annoncée pour faire partie de la délégation.
«Cela semblait une excellente occasion de montrer que la population sahraouie du Sahara Occidental profite de l'accord de pêche UE-Maroc, comme le prétend la Commission européenne. C'est vraiment dommage et aussi un peu étrange», a déclaré Lövin.
La réponse négative n'est cependant pas une surprise. L'accord controversé de pêche UE-Maroc a été critiqué durant ces derniers mois, notamment suite à l'avis des Services juridiques du Parlement européen rendu en 2009. Celui-ci a remis en question la légalité de l'accord, car il n'y a aucune preuve que les souhaits et les avantages des Sahraouis ont été pris en compte.
Pour tenter de défendre l'accord négocié en 2006, la Commission européenne a maintes fois répondu que "rien ne prouve que le peuple sahraoui n'en bénéficie pas". Pourtant, la Commission n'a toujours pas présenté de preuves, et jusqu'à présent complètement évité de mentionner la question de la volonté du peuple sahraoui.
Le seul argument avancé par la Commission européenne est un avis juridique de l'ONU de 2002. Toutefois, l'auteur de cet avis a déclaré qu'il est "gêné d'être européen", en raison de l'utilisation abusive de son texte par la Commission.
"Il m'a été rapporté que l'avis juridique que j'avais livré en 2002 a été cité par la Commission européenne en appui de l'Accord de partenariat de la pêche. Je ne sais pas si cela est vrai. Mais dans ce cas, je trouve incompréhensible que la Commission puisse trouver un soutien dans l'avis juridique, à moins bien sûr que la Commission ait constaté que le peuple du Sahara Occidental a été consulté [entre temps], a accepté l'accord et la manière dont les bénéfices de ces activités lui profitent. Cependant, un examen de l'accord amène en réalité à une conclusion différente", a déclaré l'ancien sous-secrétaire général aux affaires juridiques, M. Hans Corell, à propos de l'interprétation erronée par la Commission du document qu'il a rédigé pour le Conseil de sécurité de l'ONU.
Au cours de la séance d'hier de la Commission de la pêche, des députés ont également posé des questions sur l'état d'avancement d'une autre demande qu'ils avaient faite au Maroc au début de cette année: produire un rapport sur l'impact de l'accord de partenariat sur la population sahraouie. La date limite pour ce rapport avait été fixée au premier trimestre de 2010. La Commission n'a toujours pas reçu de réponse officielle.
On s'attend à ce que le rapport du Maroc, une fois finalisé, affirme qu'il est bénéfique à la "population locale". C'est ainsi que le Maroc définit les personnes qui ont été déplacées dans le territoire en violation de la quatrième Convention de Genève. La revendication du Maroc sur le Sahara Occidental a été rejetée par la Cour internationale de Justice en 1975. D'autres Etats, tels que les États-Unis et les pays de l'AELE, ont déclaré que leurs partenariats économiques avec le Maroc ne couvrent pas le Sahara Occidental.
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