Dans une lettre critique
datée du 1er décembre 2013, le président du Parlement Panafricain invite le
président du Parlement Européen, M. Martin Schulz, à voter contre l'accord de
pêche avec le Maroc au large des côtes de l'Etat membre de l'UA, le Sahara
Occidental.
La lettre ci-dessous a été
envoyée par le Président du Parlement Panafricain, SE Hon Bethel Nnaemeka Amadi
à son homologue, M. Schultz, le 1er déc 2013. Il écrit qu'un accord de pêche
UE-Maroc portant sur les eaux du Sahara Occidental « saboterait les
efforts déployés par les Nations Unies et l'Union Africaine pour trouver une
solution pacifique et durable au conflit ».
La lettre peut être téléchargé ici. (version originale en anglais)
Ci-dessous traduction
wsrw non officielle.
REF : PAP/PRES-EP/368
DATE : 1er décembre 2013
A M. Martin Schulz
Président du Parlement
européen,
Bruxelles, Belgique
LE NOUVEL ACCORD UE-MAROC DE
PARTENARIAT DANS LE DOMAINE DE LA PÊCHE (APP ) : UNE VIOLATION DU DROIT
TERRITORIALE DU PEUPLE SAHRAOUI
Au nom du Bureau et des
membres du Parlement Panafricain, permettez-moi encore une fois de vous
remercier de nous avoir honorés de votre présence lors de la 2ème session
ordinaire de la troisième législature du Parlement Panafricain, tenue en mai
2013 et nous sommes impatients de poursuivre la collaboration avec le Parlement
européen alors que nous nous préparons pour le Sommet commun Afrique UE en
avril 2014. C'est avec un sentiment d'urgence que je tiens à vous adresser
cette lettre pour attirer votre attention sur un très grave développement
relatif à la question du Sahara Occidental.
Nous avons été informés que
le Parlement Européen s'apprête à voter sur le nouveau protocole de pêche UE-Maroc,
qui n'exclut pas explicitement de son champ d'application géographique des eaux
territoriales du Sahara Occidental, dernier Territoire Non Autonome en Afrique.
Comme vous le savez également, le nouveau protocole a été proposé par la
Commission Européenne pour remplacer le deuxième protocole de l'accord de
partenariat de pêche (APP) entre la Communauté Européenne et le Royaume du
Maroc, qui a déjà été refusé par le Parlement Européen le 14 décembre 2011. Il
est bien connu que le Territoire Non Autonome du Sahara Occidental, la dernière
colonie en Afrique à l'ordre du jour des Nations Unies en tant que question de
décolonisation, ne fait pas partie du Maroc qui occupe illégalement une grande
partie du territoire depuis le 31 octobre 1975. Dans son avis consultatif
historique sur le Sahara Occidental, publié le 16 octobre 1975, la Cour
Internationale de Justice a établi très clairement qu'il n'a jamais existé de
« lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara
Occidental d’une part, le Royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien d’autre
part.». Elle a également approuvé « la décolonisation du Sahara
Occidental » par le biais de l'exercice de « d’autodétermination
grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire
».
Les Nations Unies, l'Union
Africaine et tous les États membres des Nations Unies n'ont jamais approuvé
l'occupation par le Maroc du Sahara Occidental ou reconnu la légalité de
l'annexion forcée du territoire. Conformément aux résolutions 34/37 (1979) et
35/19 (1980) de l'Assemblée générale, le Maroc est une puissance occupante du
Sahara Occidental, et l'ONU ne l'a jamais reconnu comme puissance administrante
du territoire. En tant que puissance occupante, le Maroc n’a donc aucun droit
d'exploiter les ressources naturelles des territoires occupés du Sahara
Occidental ou de conclure des accords avec des tiers concernant ces ressources
sur lesquelles seuls les Sahraouis ont la souveraineté permanente.
Le Parlement panafricain a
également adopté plusieurs résolutions et recommandations sur l'illégalité de
la poursuite de l'occupation du Sahara Occidental par le Maroc.
Compte tenu du statut
juridique de Territoire Non Autonome du Sahara Occidental, et compte tenu des
implications politiques, juridiques et éthiques de l'accord de pêche UE-Maroc,
l'Union Européenne aurait pu simplement exclure le Sahara Occidental du champ
d'application géographique de l’APP, tout comme d'autres gouvernements l'ont
fait à l'égard de leurs accords commerciaux avec le Maroc. Le 20 juillet 2004,
le représentant au Commerce du gouvernement américain a déclaré dans le cadre
de l'Accord de libre-échange USA-Maroc (ALE) que « les États-Unis et de
nombreux autres pays ne reconnaissent pas la souveraineté marocaine sur le
Sahara Occidental » et que « l'ALE couvrira les échanges et investissement dans
le territoire du Maroc reconnu internationalement, et n’inclura pas le Sahara
Occidental ».
Le nouveau protocole de
pêche UE avec le Maroc, qui n'exclut pas explicitement les eaux territoriales
du Sahara Occidental, va clairement à l’encontre des positions claires et
fortes présentées par certains États membres de l'UE. Il ne tient pas compte
non plus de l'avis exprimé par le Parlement Européen et son service juridique,
qui, en juillet 2009, a établi que les navires battant pavillon communautaire
pêchaient en effet dans les eaux adjacentes au Sahara Occidental sous l'accord
de pêche UE-Maroc. Le service juridique a également souligné que le peuple du
Sahara Occidental n'a jamais été consulté ni ne reçoit les bénéfices de
l'exploitation de ses propres ressources halieutiques. Il a en outre souligné
que, si les droits du peuple sahraoui en vertu du droit international ne sont
pas pleinement respectés dans le cadre de l’APP, l'accord doit être suspendu ou
doit être appliqué de manière que les navires battant pavillon communautaire
n’exploite pas les eaux du Sahara Occidental.
Cette indifférence manifeste
pour les intérêts et les souhaits du peuple sahraoui est clairement en
violation des principes pertinents du droit international applicable au Sahara
Occidental énoncés dans l'avis juridique soumis au Conseil de sécurité le 29
janvier 2002 par le Secrétaire général adjoint des affaires juridiques et
Conseiller juridique de l'ONU, l'Ambassadeur Hans Corell. Dans son avis
juridique, M. Corell a souligné que « si des activités de prospection et
d’exploitation devaient être entreprises au mépris des intérêts et de la
volonté du peuple du Sahara Occidental, elles contreviendraient aux principes de
droit international applicables aux activités touchant aux ressources minérales
des territoires non autonomes ». En ce qui concerne la légalité au regard
du droit international de l'APP UE-Maroc, M. Corell a également déclaré, le 4
décembre 2008, « il était évident qu'un accord de ce type qui ne fait pas
de distinction entre les eaux adjacentes au Sahara Occidental et les eaux
adjacentes au territoire du Maroc violerait le droit international ».
Dans ces circonstances,
l'approbation de ce nouveau protocole de pêche avec le Maroc équivaudrait à
récompenser le Maroc pour sa violation sans relâche des droits fondamentaux du
peuple sahraoui, qui ont été documentés par les grandes organisations
internationales et africaines des droits humains. Ce serait en outre saper les
efforts déployés par les Nations Unies et l'Union africaine pour trouver une
solution pacifique et durable au conflit, fondée sur l'exercice du droit
inaliénable du peuple sahraoui à l'autodétermination. Cela pourrait également
donner un signe de légitimation de l'occupation marocaine du territoire,
contribuant ainsi à prolonger les souffrances du peuple sahraoui.
Dans le contexte ci-dessus,
je presse Votre Excellence de ne pas approuver ce nouveau protocole de pêche
UE-Maroc pour ces implications juridique, politique et éthique négatives
évidentes sur la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale du
peuple du Sahara Occidental.
En outre, je demande
instamment à Votre Excellence de porter cette question à l'attention des
membres de votre parlement pour examen.
S'il vous plaît acceptez,
Monsieur le Président, les assurances de ma très haute considération.
H.E honorable Bethel
Nnaemeka Amadi, député