jeudi 23 mars 2017

Communiqué du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine sur le Sahara occidental, mars 2017

Communiqué de la 668ème réunion du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA) sur la situation au Sahara occidental

Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA), en sa 668ème réunion tenue le 20 mars 2017, a adopté la décision qui suit sur la situation au Sahara occidental :

Le Conseil,

1.    Prend note du rapport du Président de la Commission sur la situation au Sahara occidental [PSC/PR/2 (CDXCVI)], ainsi que de la mise à jour faite par le Représentant spécial de l'UA pour le Sahara occidental, l'Ambassadeur Tadesse Yilma. Le Conseil prend également note de la déclaration faite par la délégation de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD) conduite par Son Excellence Mohamed Salem Ould Salek, Ministre des Affaires étrangères, ainsi que de celle faite par les Nations unies;


2.    Rappelle la décision EX.CL/DEC.758 (XXII) adoptée par la vingt-deuxième Session ordinaire du Conseil exécutif tenue à Addis Abéba, les 24 et 25 janvier 2013, demandant à la Commission de prendre toutes les mesures nécessaires pour organiser un referendum pour l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, conformément aux décisions pertinentes de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) et des Nations unies, ainsi que la décision EX.CL/DEC.773(XXIII) adoptée par la 23ème Session ordinaire du Conseil exécutif tenue à Addis Abéba du 19 au 23 mai 2013, réitérant les décisions et prises de position antérieures de l'OUA/UA sur la situation au Sahara occidental et demandant au Président de la Commission de poursuivre ses efforts, y compris davantage de consultations avec les Nations unies et les autres parties prenantes internationales concernées;

3.    Rappelle en outre la décision Assembly/AU/Dec.559(XXIV) adoptée par la 24ème  Session ordinaire de la Conférence de l'Union, tenue à Addis Abéba, les 30 et 31 janvier 2015, réitérant les appels du Conseil de sécurité des Nations unies aux Parties à continuer des négociations sans conditions préalables et en bonne foi, exprimant le plein appui de l'UA aux efforts de l'Envoyé personnel des Nations unies, saluant les mesures prises par  la Présidente de la Commission pour assurer le suivi de la décision pertinente du Conseil exécutif et lui demandant de poursuivre ses efforts, afin de mobiliser l’appui nécessaire au processus sous conduite des Nations unies;

4.    Rappelle également la décision Assembly/AU/629 (XXVIII) adoptée par la 28ème Session ordinaire des chefs d'État et de Gouvernement tenue à Addis Abéba, les 30 et 31 janvier 2017, dans laquelle la Conférence a noté avec une profonde préoccupation l'impasse actuelle dans le processus de paix au Sahara occidental, a souligné la nécessité urgente de redoubler d'efforts pour faciliter le règlement rapide du conflit, et a réitéré son appel à l'Assemblée générale des Nations unies pour qu’elle détermine une date pour la tenue du referendum d'autodétermination du peuple du Sahara occidental et assure la préservation de l'intégrité du Sahara occidental, en tant que territoire non autonome de tout acte susceptible de la compromettre. Le Conseil souligne d'autres dispositions pertinentes de la décision de la Conférence relatives à l'exhortation du Conseil de sécurité des Nations unies à assumer pleinement ses responsabilités pour que la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO) puisse de nouveau exercer ses fonctions, ce qui est indispensable pour la supervision du cessez-le-feu et à l’organisation du référendum au Sahara occidental , ainsi qu’ à trouver des réponses aux questions du respect des droits de l'homme et de l'exploration et de l'exploitation illégales des ressources naturelles du territoire, en particulier dans le cadre de l'important arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, le 21 décembre 2016, sur l'Accord entre l'UE et le Maroc signé en 2012 sur la libéralisation mutuelle des échanges de produits agricoles et de la pêche.

5.    Rappelle ses décisions antérieures sur la situation au Sahara occidental, à savoir le Communiqué PSC/PR/COMM/.1 (CDXCVI) du 27 mars 2015 (496ème réunion), Communiqué de presse PSC/PR/COMM.2 (DII) du 30 avril 2015 (503ème réunion) et le Communiqué PSC/PR/COMM (DLXXXVIII) du 6 avril 2016 (588ème), ainsi que son Communiqué PSC/PR/COMM (DCXVII) du 12 août 2016 (617ème). Rappelle également le Communiqué PSC/AHG/COMM.4 (DXLVII) adopté lors de la 547ème réunion du Conseil tenue le 26 septembre 2015, à New York, au niveau des chefs d'État et de gouvernement, dans lequel il a exhorté le Conseil de sécurité des Nations unies à assumer pleinement ses responsabilités et à prendre toutes les mesures nécessaires pour régler rapidement le conflit du Sahara occidental et trouver une réponse efficace aux questions liées au respect des droits de l'homme et à l'exploitation illégale des ressources naturelles du territoire;

6.    Félicite le Royaume du Maroc pour son adhésion à l'UA, sans conditions préalables ni réserves. Le Conseil salue la disponibilité du Maroc à s’asseoir côte à côte de la RASD lors des délibérations des organes délibérants de l'UA;

7.    Regrette le fait que le Royaume du Maroc, qui a été invité par le Conseil à participer à sa 668ème réunion sur la situation au Sahara occidental, ne soit pas venu à la réunion. Le Conseil appelle, par conséquent, le Royaume du Maroc à apporter la coopération nécessaire conformément  aux dispositions de l’Acte constitutif de l’UA et du Protocole relatif à la création du CPS;

8.    Salue les efforts continus déployés par le Secrétaire général des Nations unies, ainsi que de ceux de son Envoyé personnel pour trouver une solution dans le cadre des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies, y compris les consultations menées par l'Envoyé personnel dans le cadre de sa nouvelle approche, telle que définie dans le rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental du 10 avril 2016 (S/2016/355). Le Conseil regrette la démission de l'Ambassadeur Christopher Ross, Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, et le félicite pour les efforts qu'il avait déployé pour surmonter l'impasse dans le processus de paix.

9.    Se félicite des mesures prises par le Président de la Commission en application des décisions pertinentes des organes directeurs de l'UA et des efforts déployés par les Nations unies, y compris les efforts déployés par l'ancien Président Joaquim Chissano en tant qu’Envoyé spécial de l'UA. Le Conseil exprime sa satisfaction quant aux efforts déployés par l'Envoyé spécial pour surmonter l'impasse actuelle dans le processus de paix et le félicite pour son engagement dans l'accomplissement de son mandat;

10.    Note avec une profonde préoccupation que, quatre décennies après le déclenchement du conflit au Sahara occidental, et cinquante-quatre ans après la décision de décoloniser le Sahara occidental, tous les efforts visant à trouver une solution n'ont pas encore abouti aux résultats escomptés et l'impasse dans le processus de paix ne renforce pas seulement les tensions sur le territoire, mais compromet également les efforts visant à promouvoir l'intégration continentale. En conséquence, le Conseil exprime l'urgence de redoubler d'efforts pour parvenir à un règlement rapide et définitif de ce conflit. À cet égard, le Conseil:

(i)    rappelle les dispositions pertinentes de l'article 4 de l'Acte constitutif de l'Union africaine qui stipule, entre autres, le règlement pacifique des conflits entre les États membres de l'Union;

(ii)    souligne qu'il est impératif que le Royaume du Maroc et la RASD, en tant qu'États membres de l'Union, engagent immédiatement des pourparlers directs et sérieux, sans conditions préalables et conformément à l'article 4 de l'Acte constitutif;

(iii)    décide de renforcer le mandat de l'ancien Président Joaquim Chissano du Mozambique, pour être nommé Haut Représentant de l'UA pour le Sahara occidental, chargé de faciliter les pourparlers directs entre les deux États membres et de mobiliser les efforts de l'Afrique et des Nations unies à cet effet. Le Conseil demande au Président de la Commission de prendre les mesures nécessaires pour permettre au Haut Représentant de l'UA d'assumer immédiatement son mandat;

(iv)    décide également de réactiver le Comité ad hoc des chefs d'État et de Gouvernement sur le conflit au Sahara occidental, créé en application de la résolution AHG/Res.92 (XV), adoptée lors de la 15ème Session ordinaire de la Conférence des chefs d'État et de Gouvernement de l'OUA, qui s'est tenue à Khartoum (Soudan) du 18 au 22 juillet 1978. Le Conseil demande au Président de la Commission d'entreprendre les consultations nécessaires pour finaliser la composition et l’opérationnalisation du Comité ad hoc;

(v)    appelle tous les États membres de l'UA, dans l'esprit du panafricanisme et conformément aux dispositions de l'Acte constitutif, à mobiliser et à apporter d’autres formes d’appui politique, diplomatique aux deux États membres et au Haut Représentant de l'UA pour le Sahara occidental, afin de faciliter leurs pourparlers directs;

(vi)    demande en outre à la Commission de l'UA de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour la réouverture du Bureau de l'UA à Laayoune, au Sahara occidental, y compris la fourniture des ressources humaines et financières et des moyens logistiques nécessaires;

(vii)    lance un appel aux Nations unies et à l’ensemble de la communauté internationale pour qu'elles apportent leur plein appui aux efforts africains visant à surmonter l'impasse actuelle dans le processus de paix au Sahara occidental;

(viii)    décide en outre d'examiner régulièrement la situation au Sahara occidental, sur la base de mises à jour et des recommandations fournies par le Président de la Commission et le Haut Représentant de l'UA pour le Sahara occidental;

(ix)    décide également d’effectuer une mission sur le terrain au Sahara occidental en cours de l’année 2017.

11.    Attend avec intérêt le renouvellement du mandat de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO) à l'expiration de son mandat actuel, le 30 avril 2017, conformément à la décision 2285 (2016) du 29 Avril 2016. Le Conseil exhorte le Conseil de sécurité des Nations unies à prendre les mesures nécessaires pour que la MINURSO puisse de nouveau exercer pleinement ses fonctions, afin qu’elle supervise efficacement l’accord de cessez-le-feu et d’éviter la reprise des violations. Le Conseil demande en outre au Conseil de sécurité des Nations unies d’attribuer à la Mission un mandat en matière de droits de l'homme, en tenant compte de la nécessité d'assurer un suivi indépendant et impartial des droits de l'homme aussi bien dans le territoire que dans les camps de réfugiés. Le Conseil demande également au Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme de prendre les mesures appropriées à cet égard;

12.    Demande en outre à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) d'entreprendre, dans les meilleurs délais possibles, une mission au Sahara occidental et aux camps de réfugiés de Tindouf, afin d'évaluer la situation des droits de l'homme et de formuler des recommandations au Conseil, sur la base des résultats de sa visite dans la région en septembre 2012. À cet égard, le Conseil exhorte les deux États membres à coopérer pleinement avec la mission de la CADHP;

13.    Souligne qu'il est urgent de trouver des réponses à la question de l'exploration et de l'exploitation illégales des ressources naturelles du territoire, en ayant à l’esprit l'appel lancé dans le rapport du Secrétaire général des Nations unies du 10 avril 2014 à tous les acteurs concernés, à la lumière de l'intérêt croissant pour les ressources naturelles du Sahara occidental, afin de «reconnaître le principe selon lequel les intérêts des habitants de ces territoires sont primordiaux», conformément au Chapitre XI de l'Article 73 de la Charte », ainsi qu'aux nombreux avis juridiques et jugements émis par des organisations internationales et régionales sur la question. À cet égard, le Conseil exhorte le Royaume du Maroc à ne pas conclure d’accords pour l'exploration et l'exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental.

14.    Demande à la Commission, par les voies appropriées, d'entreprendre une démarche envers le Conseil de sécurité des Nations unies, afin que le Haut Représentant de l'UA pour le Sahara occidental ait la possibilité de s'adresser au Conseil de sécurité lors de sa réunion sur le Sahara occidental prévue le mois d'avril 2017. Le Conseil demande en outre aux membres africains du Conseil de sécurité des Nations unies, travaillant dans le cadre de l'A3, d’appuyer et de faciliter cette demande ;

15.    Prie le Président de la Commission de transmettre le présent communiqué aux deux États membres, à savoir le Royaume du Maroc et la RASD, pour qu'ils prennent des mesures immédiates. Le Conseil prie en outre le Président de la Commission de transmettre le communiqué au Secrétaire général des Nations unies et de demander qu'il soit distribué en tant que document officiel du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi qu'aux autres parties prenantes internationales concernées;

16.    Décide de rester activement saisi de la question.

Source : http://www.peaceau.org/fr/article/communique-de-la-668eme-reunion-du-conseil-de-paix-et-de-securite-de-l-union-africaine-ua-sur-la-situation-au-sahara-occidental 
Télécharger le communiqué ici : http://www.peaceau.org/uploads/psc-comm-western-sahara-fr.pdf

vendredi 17 mars 2017

Niko. Un procès politique au Maroc : des idées simples et des propos caricaturaux

Première étape : en février 2013, un tribunal militaire condamne pour meurtres 23 civils sahraouis à des peines allant de 20 ans à perpétuité. Pas de témoins. 
Pas de témoins.
Pas de preuves (seulement des aveux obtenus sous la torture).
Pas de victimes identifiées, on parle de 11 morts parmi les forces de l’ordre marocaines, mais leur nom n’est même pas prononcé.
Pas d’autopsie des corps dont l’assassinat est évoqué.
Pas de parties civiles (on est dans un procès militaire, qui exclut les parties civiles).
En résumé : mépris des accusés, mépris des familles des victimes.
 Pour un procès militaire, il n’est pas prévu d’appel sur le fond du jugement. La seule possibilité de recours, c’est la cassation.
Les avocats des accusés déposent leurs pourvois en cassation 10 à 15 jours après le jugement du tribunal militaire, soit fin février 2013.
Le code de procédure pénale marocain prévoit un délai maximal de 3 mois pour que la Cour de cassation donne sa réponse.
Cela mène à fin mai 2013.
Rien à cette date.
Rien à fin juin, ni à fin juillet, ni à fin décembre 2013.
Rien à fin décembre 2014, ni à fin décembre 2015.
Rien à fin mai 2016.
Puis, fin juillet 2016, 3 ans et demi après le procès militaire, la Cour annonce la cassation du procès de 2013 !
Pourquoi tout d’un coup ?

Peu de monde en doute : le Comité contre la torture (CAT) de l’ONU a annoncé courant de l’été que sa décision sur la plainte pour torture de Naâma Asfari, l’un des 25 accusés de Gdeim Izik, jugée recevable en septembre 2015, serait donnée en août. Une plainte qui vise le Maroc, signataire de la Convention contre la torture.
Bingo : avant août, la Cour de cassation marocaine casse le procès militaire de 2013. Ce jugement est annulé. Pas valable. C’est le Maroc qui le dit ! Les prisonniers sont donc, momentanément pour le moins, innocentés. Leur libération devrait s’ensuivre.
Mais rien.

Car la « manœuvre » marocaine a temporairement marché : le CAT repousse sa décision à la session suivante, en novembre 2016.
Fin août, les détenus sont transférés dans une autre prison à El Arjate, un endroit plus isolé et plus rude que leur précédente geôle. Les visites de leurs familles, déjà très compliquées du fait qu’elles habitent à plus de 1200 kilomètres de Rabat (au Sahara occidental), sont réduites à un jour fixe par semaine.
Par ailleurs, la motivation de la cassation met près de 3 mois pour arriver : en fait, les documents envoyés en octobre aux condamnés disent le manque de motivation du jugement de 2013, en d’autres termes, l’absence de preuves…
Et ils renvoient les accusés devant la cour d’appel de Rabat-Salé.
 Un procès cassé implique, à l’occasion de son renvoi, de mener les enquêtes nécessaires pour faire apparaître la vérité. Et il y a de quoi : des allégations de tortures et mauvais traitements, physiques et/ou psychologiques, ont été énoncées par tous les accusés.

Le nouveau procès
Le nouveau procès s’ouvre le 26 décembre, reprend les 23-24-25 janvier, puis les 13-14 et 15 mars, sans que les expertises médicales annoncées n’arrivent… Il faudrait en outre qu’elles soient faites selon le protocole d’Istanbul qui permet d’enquêter efficacement sur la torture, ou contre-expertisées selon ce même protocole (produit par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies)...
On sent, de nouveau, le mépris pour les accusés et leurs défenseurs.
Le président du tribunal refuse de prendre les conclusions écrites (en arabe) des avocats français des détenus.
Ils sont sans cesse interrompus, quand on ne les insulte pas. On n’accepte pas qu’ils plaident en français alors que dans d’autres procès, avec le même président, les plaidoiries en français ont été admises…
Cela s’exprime encore par les remarques douteuses-fielleuses du même président qui, ne voulant pas entendre Maître Breham plaider en français, lui lance : « Je ne comprends pas l’hébreu, Maître Abraham... »
Cela s’exprime aussi par les ricanements des avocats marocains des parties civiles (même si le tribunal ne s’est toujours pas prononcé sur la recevabilité de leur constitution en parties civiles) lorsque Mohammed El Ayoubi évoque le viol qu’il a subi dans sa tente au cours du démantèlement du camp de Gdeim Izik : une tente trop petite laisse-t-on entendre pour y accomplir un viol !!

Car telle est l’autre dimension caricaturale de ce procès : l’instrumentalisation des familles des victimes marocaines. Le tribunal militaire, pour rappel, n’acceptait pas de parties civiles. Les familles avaient donc été abandonnées en 2013 à leur deuil difficile : le nom de leur fils ou de leur frère mort n’avait même pas été prononcé, aucune autopsie de leur corps n’avait été faite à la recherche de la cause réelle du décès, et l’on dit même que les dépouilles leur avaient été rendues dans des cercueils plombés…

Il fallait, pour les autorités marocaines, tâcher de réparer afin de satisfaire une opinion publique intérieure déstabilisée.
 Quoi de plus simple que de remettre l’accusation sur le dos de ceux déjà condamnés, dont le procès a pourtant été cassé, et qui devraient, à ce titre, bénéficier pleinement de la présomption d’innocence ?
Des ténors du barreau marocain, membres des principaux partis politiques, sont engagés pour au contraire les accabler de tous les soupçons.

La séance du 13 mars commence d’ailleurs par la projection d’un film, un montage non signé et commenté en français – tiens donc ! – qui montre des agressions de forces de police et de gendarmerie marocaines par des Sahraouis. Sauf qu’on n’y reconnaît aucun des accusés du procès !!
Ce film ne peut être versé comme pièce à conviction, mais bien sûr, il a servi à créer l’émotion.
Tout va de pair, y compris l’intervention d’avocats français du côté de l’accusation qui, tels Yves Repiquet, ancien bâtonnier de Paris, et l’avocat Emmanuel Tawil, se réjouissent du fait que la justice marocaine « en autorisant les familles à se porter parties civiles, leur permet d’avoir accès à un procès équitable. » Ils ajoutent qu’il leur paraît « indigne d’utiliser ce procès comme une arène politique. »
C’est là que le bât blesse pour les autorités marocaines et pour ceux qui les servent.
Car les accusés ne sont pas des criminels de droit commun mais des militants politiques, qui défendent le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, un droit inaliénable selon la Charte des Nations Unies…

Et ils le font savoir, habillés de leur draa traditionnelle, chantant en chœur des chants militants à leur entrée et à leur sortie avec les Sahraouis de la salle.
Ils ont décidé de ne pas répondre aux questions des avocats marocains qui les traitent de meurtriers. L’un d’eux, Mohammed Lamine Haddi, condamné à 25 ans en 2013, a fait sensation en se scotchant les lèvres pour signifier son refus de répondre.
Un autre, Taki El Machdoufi, libéré en 2013 après une condamnation à seulement 2 ans et ½ (le temps de sa préventive), n’hésite pas, avec beaucoup de courage puisqu’il a peut-être sa liberté à perdre, à déclarer : « Nous appartenons à un peuple paisible, qui n’aspire qu’à la paix. Le problème, c’est le système colonial imposé au Sahara occidental. » Il a déchaîné la colère du président, qui s’est mis à taper frénétiquement sur le micro selon les témoins.

La dimension politique n’est en effet pas évacuable : le Sahara occidental est un territoire occupé illégalement par le Maroc depuis 1975 ; aucun pays au monde n’a reconnu la souveraineté marocaine sur ce territoire, et l’Union européenne doit, depuis la décision de la Cour de justice de l’UE du 21 décembre 2016, revoir tous les contrats commerciaux qui la lient au Maroc s’ils s’étendent au Sahara occidental reconnu par elle comme juridiquement distinct du territoire du royaume.

Le procès des militants de Gdeim Izik n’est pas fini. Le Maroc saura certainement faire traîner en longueur, brouiller les pistes. Mais à force, l’iniquité du procès crèvera les yeux.

Niko. 17 mars 2017
Source https://blogs.mediapart.fr/niko/blog/170317/un-proces-politique-au-maroc-des-idees-simples-et-des-propos-caricaturaux