vendredi 28 octobre 2016

Question écrite à l'AN : situation au Sahara Occidental et rôle de la France



Texte de la question
M. Jean-Luc Laurent attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur la situation du Sahara occidental. Face aux forces marocaines, les habitants de cette région mènent un combat politique pacifique depuis la signature d'un cessez-le-feu sous autorité de l'ONU en 1991. Une mission des Nations Unies, la Minurso, composée de civils et de militaires, veille au respect du cessez-le-feu et soutient le dialogue entre le Front Polisario et le Royaume du Maroc en vue de l'organisation d'un référendum d'autodétermination. Les relations se sont très récemment tendues entre l'ONU et le Maroc après que M. Ban Ki-Moon, en visite dans un camp de réfugiés sahraouis à Tindouf en Algérie, a évoqué « l'occupation » du Sahara occidental. Cette déclaration a provoqué un conflit ouvert entre le Maroc et l'ONU, avec pour conséquence l'expulsion des membres civils de la mission onusienne. Cette regrettable expulsion intervient à quelques semaines de la présentation du rapport de M.Ban Ki-Moon sur le Sahara occidental et le vote annuel sur la prolongation du mandat des Nations Unies. Il est aujourd'hui essentiel que le mandat de la MINURSO soit reconduit, sous peine de provoquer un regain de tension dans cette région, laissant craindre la reprise d'actions de guérilla. Alors que le Maghreb est aujourd'hui en première ligne dans la lutte contre un djihadisme en pleine expansion, il est important de favoriser la paix et la stabilité et non d'envenimer des situations pouvant mener au chaos. Par ailleurs, il est nécessaire que, lors du renouvellement de la Minurso, sa mission soit étendue à la supervision du respect des droits de l'Homme. Il souhaite connaître les initiatives que la France va prendre pour favoriser le processus politique de règlement du conflit au Sahara occidental.

Texte de la réponse
La France déplore la persistance du conflit au Sahara occidental, qui emporte des conséquences humanitaires et obère l'intégration du Maghreb et son développement. Elle salue l'adoption, le 29 avril 2016, de la résolution 2285 par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui renouvelle pour un an le mandat de la MINURSO. Elle plaide pour qu'un accord puisse être trouvé entre le Maroc et le Secrétariat des Nations unies sur les questions de personnel de la MINURSO, dont les activités sont indispensables à la stabilité régionale. Sur le fond, la France soutient la recherche d'une solution juste, durable et mutuellement agréée sous l'égide des Nations unies. Elle considère que le plan d'autonomie proposé par le Maroc en 2007 constitue une base sérieuse et crédible en ce sens.

lundi 3 octobre 2016

EM. Garde à vue et libération des deux journalistes EM



Rappel chronologique. Jeudi 29 septembre 2016, vers 20h  les deux journalistes d’EM  Said Amidan et Brahim Laajail, étudiants à Agadir, sont partis en covoiturage avec une connaissance,  d’El Aaiun au Sahara Occidental en direction d’Agadir au Maroc. Said Amidan est né le 02/05/1988 à El Aaiun, Brahim Laajail né le 02/05/1986, à El Aaiun aussi.

Vendredi 30 sept 2016 à 10h30, contrôle d’identité au barrage de Guelmim sud (Maroc),  alors que Said Amidan était au volant.  Seul Said avait ses documents qu’il a présentés.
Après contact de l’agent avec le commissariat central, les documents d’identités n’ont pas été rendus. Après 30 minutes d’attente dehors, alors qu’un véhicule de la police arrivait, le propriétaire qui les amené est parti rapidement, laissant les 2 journalistes sur place. EM n’arrive pas à contacter cet homme pour recueillir ses explications.

Said Amidan et Brahim Laajail ont été conduit au 1er arrondissement de la police de Guelmim, où pendant 3h ils ont subi des mauvais traitements  et insultes à caractère raciales de la part du commissaire. Menotté trop serrés, ils ont reçu des coups de poing dans le ventre, des gifles, des insultes. Ils ont été mis nu pour une fouille au corps. Said avait dans sa poche  un médicament contre l'insomnie, le lorazepam cinfa 1 mg dont il restait 12 comprimés. Cela, comme ses deux téléphones, son permis de conduire, sa carte d’identité lui ont été confisqués, de même que le téléphone de Brahim. Tous ces effets personnels n’ont pas été rendus à leurs propriétaires après leur remise en liberté, et sont gardés à la préfecture de police.

A 14h30, les deux journalistes ont été conduits au commissariat central, où le préfet et 4 officiers les attendaient pour l’interrogatoire. Ils étaient alors menottés.
Pendant 2h, le préfet a insulté et frappé Said et Brahim. A 3 reprises il a usé d’une paire de menotte pour cingler les journalistes. Parmi les propos tenus : «  vous les Sahraouis séparatistes, vous êtes  des insectes » ; «  Ici, vous êtes dans un endroit sans merci, impitoyable  » ; « Ton frère Chaikh a tenté d’exploser  le convoyeur de phosphate et ta sœur Rabab, cette (insultes sexistes non reproduites) nous dérange… »
Le préfet a ensuite ordonné au chef de la police judiciaire de « bien remplir le dossier ».

Les deux journalistes ont été conduits dans 2 cellules séparées, chacun avec 3 marocains gardés à vue pour des motifs de droit commun, avant d’être conduit dans 2 bureaux séparés pour un nouvel interrogatoire avec des policiers.

Pendant 1h, ils ont du répondre aux questions « habituelles » dans le cas d’arrestation de Sahraouis militants : nom, généalogie, identité et nombre de membres dans la famille, tribu, présence de  familles aux camps de réfugiés ou pas, visite des camps ou non, appartenance à un parti politique marocain, date d’engagement avec le Polisario...
Les agents ont aussi fait de la provocation tribaliste, la technique marocaine pour séparer les Sahraouis, argumentant qu’ils étaient amazighs et non arabes. Ce qui a donné lieu pour Said à un exposé argumenté sur les amazighs dont il est spécialiste, conduisant le policier à mettre fin à l’interrogatoire.
Said comme Brahim ont pris le parti de répondre précisément pour informer les agents de leurs lacunes et erreurs.

A 20h le 30 et pendant 1h ensuite, Said et Brahim ont été interrogé par 2 agents de la DGST, dont Boukricha. Sous la menace, les journalistes ont été contraints de révéler les codes pin de leurs téléphones, ainsi que les mots de passe d’accès à leur Gmail et compte Facebook. Les données, communications et images personnelles ont été copiées et étudiées.
Outre les provocations du genre « vous voulez le Sahara, voila donc le Sahara » affirmation criée en levant le majeur, les agents DGST les ont interrogés sur la nature de leurs relations avec les observateurs, journalistes et autres visiteurs  étrangers venus dans les territoires occupés.  Notamment sur dernière visite du deux espagnols Julia Brieto Romero y Rubén Campos, refoulés vers le  Maroc.
Les agents de la DGST ont interrogés les deux journalistes sur leur travaux dans l’équipe media, et la structure partenariale de l’organisation, mais aussi sur leurs activités à l’université.
Boukricha et son collègue ont affirmé que le Maroc donnait « beaucoup choses pour les Sahraouis, la farine, le sucre, l’huile à bon prix, mais les Sahraouis sont des salopards » .

De retour dans la cellule de garde à vue, Said et Brahim n’ont pas été autorisés à recevoir la nourriture et les boissons que respectivement une cousine et un frère leur avaient apportées.
Un policier avait pour consigne que rien ne soit remis aux 2 Sahraouis, il a pris les aliments et ne les a pas remis à leurs destinataires. Pendant les 48 heures en garde a vue, les deux journalistes n’ont avalé qu’un demis litre chacun et un pain, donné par la police. Ils ont passé la nuit sans matelas ni couverture. Les prisonniers marocains pouvaient eux recevoir la nourriture apportée par leurs familles.

Said et Brahim ont passé la journée du 1er oct dans la cellule de garde à vue.
Le 2 oct, à partir de 11h, ils ont attendu leur tour de passer devant le procureur du roi. Ils sont passés les derniers, soit vers 16h.
Le rapport du commissaire du commissariat central comportait  les chefs d’accusations suivants :
Dossier  n° 2016/2102/1031
Pour Said
Possession et consommation de drogue. Insulte à police judicaire par fausse déclaration  d’un crime
Pour Brahim
Non présentation de document d’identité, Insulte à police judicaire par fausse déclaration  d’un crime

Les deux ont refusé de signer le rapport de la police. Suite à l’audience, ils ont été relâchés après avoir reçu une convocation à une nouvelle audience fixée le 18 octobre devant la cour de Guelmim.

Équipe Média, El Aaiun, Sahara Occidental occupé
Le 3 octobre 2016

samedi 1 octobre 2016

EM. Réactions à l’arrestation de deux journalistes d’EM



Cela fait 37h que les journalistes sahraouis de l’Équipe Média Said Amidan et Brahim Laajail sont retenus en garde à vue à la préfecture de Police de Guelmim au sud du Maroc. Nous n’avons pas de nouvelle de ce qui se passe pour eux actuellement.

Le frère de Brahim Laajail qui s’est déplacé spécialement depuis El Aaiun occupée, a reçu oralement d’un officier du Police judiciaire la confirmation de la présence de son frère dans les locaux de la préfecture, et l’information qu’il existe un mandat d’arrêt émis par la police d’Agadir contre Brahim pour ses activités de responsable du groupe des étudiants sahraouis à l’université d’Ibnou Zouher d’Agadir.
A l’heure de la publication de ce texte, nous n’avons pas connaissance de mandat d’arrêt contre Said Amidan.

Les réactions à l’arrestation des journalistes ont été nombreuses au niveau local et international, de la part de collègues journalistes, du centre Robert F. Kennedy Human Rights, de l’organisation Witness, ou d’avocats européens proposant leurs services.

A Guelmim, vers 20h ce soir, plus de 60 chômeurs sahraouis ont manifesté devant la préfecture de Police pour dénoncer l’arrestation arbitraire de Said Amidan et Brahim Laajail et demander leur libération immédiate. Pendant une heure ils ont crié et chanté, y compris en faveur de la liberté de l’Équipe Média et s’exprimer et de couvrir les actualités du Sahara Occidental.


Erratum. Contrairement à ce qui a été dit dans le précédent flash, Said Amidan et Brahim Laajaij, qui attendaient le Bus à l’arrêt Supratours de El Aaiun, sont partis pour Agadir en voiture avec une connaissance qui le leur a proposé en passant.

Équipe Média, El Aaiun, Sahara Occidental occupé
Le 1er octobre 2016